Il fallait oser, il y a plus de 30 ans, lancer un festival de hip-hop dans un théâtre. Ce fut pourtant le pari du théâtre Jean-Vilar à Suresnes (Hauts-de-Seine) avec le festival Suresnes Cités Danse dont la première édition date de 1993 et qui revient du 10 janvier au 9 février. Depuis 2022, Carolyn Occelli, qui a pris les rênes du lieu, continue de le faire évoluer. Pour ce faire, elle souhaite « créer du lien entre le hip-hop et d’autres formes artistiques ainsi qu’entre le public et le festival ».
Dans les années 1990, Olivier Meyer, alors directeur du théâtre, part à la rencontre de performeurs du Bronx, persuadé que les danses hip-hop ont une légitimité à être présentées sur les scènes institutionnelles. Et, dès ses débuts, le projet de Suresnes Cités Danse intrigue par son innovation. « À cette époque, le hip-hop n’était pas du tout présent sur les plateaux français, explique Carolyn Occelli. En créant un festival qui lui est consacré, Olivier Meyer a aidé à son développement chez les chorégraphes. » Il faut dire que cette gestuelle vient de loin. Dérivé du swing créé par les Afro-Américains, le hip-hop devient un mouvement culturel à la fin des années 1970. Il se pratique dans la rue, dans des confrontations libres entre plusieurs danseurs (les fameuses battles).
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« Mêler la danse urbaine à d’autres disciplines »
« On ne souhaite pas remplacer cette culture par une autre sur scène, précise Carolyn Occelli. Ce qui nous intéresse, c’est de mêler la danse urbaine à d’autres disciplines. Dans le spectacle « La Fabuleuse Histoire de BasarKus », par exemple, la chorégraphe a collaboré avec deux acrobates formés par l’Académie Fratellini, dont l’un est aussi breakdancer ».
Dans sa programmation hétéroclite, le festival accueille plus d’une dizaine de spectacles originaux, parmi lesquels des pièces de grands noms du milieu dont le Carmen d’Abou Lagraa réalisé avec le Ballet de l’Opéra de Tunis, ou Static Shot de Maud Le Pladec, qui reprend les codes de la danse électronique et du voguing.
Suresnes Cités Danse a aussi tenu à faire la part belle aux créations émergentes repérées en festival ou en concours chorégraphiques. Certaines troupes présentées sont même accompagnées par le théâtre en dehors du festival. « Des artistes ont fait leurs débuts à Suresnes Cités Danse comme Jann Gallois, aujourd’hui chorégraphe reconnue », rappelle Carolyn Occelli.
L’enjeu de diversifier le public
L’autre enjeu pour le théâtre est de continuer de parvenir à diversifier les spectateurs, ce qui passe notamment par des représentations gratuites pour les publics les plus éloignés de la culture. Sans oublier que le hip-hop est un art qui se veut accessible à tous. « Cet art de rue peut être moins effrayant qu’une pièce de danse contemporaine ou qu’un ballet, souligne Carolyn Occelli. À Suresnes Cités Danse, tout le monde a sa place et les clefs pour comprendre. D’autant qu’on a besoin d’endroits pour réparer le collectif brisé par l’individualisme. Ce festival est un moment de douceur durant lequel on regarde tous dans le même sens. » Si vous ne connaissez pas encore le chemin du théâtre de Suresnes, il est temps de le demander à votre GPS.
Infos pratiques : festival « Suresnes Cités Danse » au théâtre Jean-Vilar, 16, place Stalingrad, Suresnes (92). Du 10 janvier au 9 février. Tarifs : de 8 à 40 €. Accès : gare du Val d’Or (ligne L) puis bus 144 ou 244 ou 15 min à pied / tram T2 arrêt Suresnes-Longchamp puis bus 144 ou 244. Infos et réservations sur theatre-suresnes.fr
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7 janvier 2025 - Suresnes