Ce reportage s’inscrit dans une série de portraits de Grand-Parisiens et de Grand-Parisiennes réalisée en partenariat avec la Société du Grand Paris
De la future ligne 18 du Grand Paris Express, on n’aperçoit pour l’instant que le gigantesque viaduc qui acheminera les voyageurs dès 2026. Autour, une myriade de bâtiments sortent encore de terre. Et bien sûr les grandes écoles, qui s’égrènent ici comme un chapelet, de CentraleSupélec à l’École normale supérieure en passant par Polytechnique. Cheminant au milieu de cette concentration de QI, une rue piétonne arbore déjà quelques enseignes, de l’épicerie de produits locaux au restaurant de poke bowl en passant par l’esthéticienne et le tabac-maison de la presse. Au centre trône une petite librairie, au mobilier tout en bois clair : Lagiraf. Clara nous y accueille. Avec Sébastien, libraire depuis 30 ans, elle travaille à faire vivre cette antenne de Liragif, la librairie historique de Gif-sur-Yvette (Essonne), s’inscrivant ainsi dans une lignée de femmes passionnées de livres – sa mère est à la tête de Liragif et sa grand-mère était bibliothécaire.
« Vivre le développement urbanistique de l’intérieur, c’est quand même bien plus intéressant que dans un bureau »
Ce ne fut pourtant pas sa vocation première puisqu’elle se tourne d’abord vers les sciences politiques : « J’ai choisi cette voie surtout parce que je trouvais cela intéressant et que cela me permettait de prendre le temps de choisir mon avenir », explique-t-elle. Puis elle part à San Francisco pendant un an et se prend de passion pour l’urbanisme. De retour en France, ses diplômes en poche, elle revient à Gif et se met à travailler pour le Département de l’Essonne puis pour la Société du Grand Paris. « Quand ce projet de librairie est arrivé sur la table, j’ai eu le déclic, ajoute-t-elle. Et puis ce tout nouveau quartier m’a attirée. Vivre le développement urbanistique de l’intérieur, c’est quand même bien plus intéressant que dans un bureau ! La construction de ce nouveau quartier a connu et connaît encore beaucoup d’opposants. Moi, je crois que c’est un vrai pari sur l’avenir. Il me semble important de faire partie de l’aventure. L’arrivée du métro va tout changer. Pour l’instant, le quartier est encore enclavé mais il va s’ouvrir et ce sera génial. Alors autant commencer à le rendre attractif avec des commerces culturels. »
Un quartier en pleine évolution
Encore très étudiant, il devrait voir en effet sa population évoluer selon Clara qui dit voir régulièrement des familles s’y installer. D’où la présence à Lagiraf d’un gros rayon enfants/ados aux côtés des rayons dévolus à la philosophie, aux sciences ou au féminisme. Une grande place est également accordée à la littérature anglophone. « Cela fonctionne bien, mais je ne sais pas vraiment pourquoi plus qu’ailleurs », sourit Clara. Pour contrer les géants de la vente sur Internet, Clara et Sébastien réfléchissent à un rayon de livres d’occasion. « Le renouvelable est dans l’air du temps, et puis les étudiants n’ont pas énormément de place dans leurs petits appartements ; les livres doivent tourner », souligne Clara. Pour l’instant, la librairie attire beaucoup de gens qui lisent dans les transports, d’autres qui flânent et déjà quelques habitués. « On dit que les gens lisent de moins en moins ; paradoxalement, le nombre d’ouvertures de librairies explose », remarque la jeune femme. Autre indicateur étonnant, le livre le plus vendu en ce moment à Lagiraf n’est autre que le très sombre Les Carnets du sous-sol de Fedor Dostoïevski. « Je ne sais pas pourquoi ! Il faut que je me penche sur ce phénomène, plaisante Clara. Albert Camus a toujours aussi son petit succès. Plus généralement, les classiques sont une tendance chez les étudiants. »
Dernièrement, Lagiraf a reçu la visite de l’écrivain Aurélien Bellanger (auteur notamment chez Gallimard du premier roman sur le Grand Paris) venu dédicacer à vélo depuis le 9e arrondissement, en profitant du voyage pour aller visiter l’abbaye de Vauhallan. Tout un symbole…
Infos pratiques : Librairie Lagiraf, 29, mail Pierre Potier, Gif-sur-Yvette (91). Ouvert du lundi au samedi de 11 h à 19 h 30. Plus d’infos sur liragif.com et sur Instagram
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16 mai 2023 - Gif-sur-Yvette