Comment ce projet de musée du Jeu vidéo entre le YouTubeur Tev et Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne) est-il né ?
Fabien Goupilleau : Comme dans toutes les communes, attirer les jeunes vers des activités municipales reste un véritable enjeu. Lorsque j’ai rejoint l’équipe municipale en 2020, comme j’ai travaillé dans le secteur du jeu vidéo pendant quelques années, j’ai proposé à l’adjoint au maire chargé de la jeunesse d’utiliser le jeu vidéo pour essayer de fédérer les jeunes et ainsi réactiver le club ado. Pendant la pandémie, on a lancé des tournois d’e-sport. Fin octobre, nous avons attiré près de 1 000 visiteurs lors d’un tournoi ! Parallèlement, je suis un abonné de Tev. Lorsque j’ai vu sa vidéo dans laquelle il expliquait chercher un lieu pour accueillir son musée du Jeu vidéo, j’ai sauté sur l’occasion et en ai parlé au maire car nous étions en pleine phase de réflexion pour créer un pôle ludique en entrée de ville. J’ai écrit à Tev qui m’a répondu le lendemain.
Tev connaît-il Bussy ?
Pas vraiment ! Il habite au Japon depuis plus de 15 ans. Mais notre ville a l’avantage d’être située au croisement de l’A4 et l’A104, à deux stations du RER de Disneyland Paris. Il y a 30 ou 40 ans, on dénombrait 500 habitants à Bussy. Aujourd’hui, nous sommes 30 000. Étant donné que nous sommes une ville « opération d’intérêt national », l’État dicte notre croissance avec un objectif fixé à 40 000 d’ici à 2030 : l’État nous demande de construire du logement et un peu d’entreprises privées mais rien en lien avec les loisirs. Nous avons négocié pour réserver 80 000 m2 en entrée de ville à la sortie de l’autoroute. Puis nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt. L’idée est d’intégrer le projet de Tev dans ce futur pôle ludique.
Les précédents musées du jeu vidéo se sont soldés par des échecs…
En France, il y a eu deux tentatives de musée. Au début des années 2010, un musée a ouvert dans la Grande Arche de La Défense. Plus de 100 000 personnes sont venues en une semaine mais l’infrastructure n’était pas adaptée. Les locataires de la Grande Arche ont porté plainte car la foule empêchait l’accès aux bureaux ! Le musée a dû fermer. Un deuxième musée a ouvert à Schitilgheim (Bas-Rhin) en 2018. Il se situait dans une maison d’environ 200 m2, mais au moment de la pandémie le musée a dû fermer pour des questions de normes sanitaires. Depuis, ses initiateurs en ont ouvert un autre à Bruxelles qui est un succès.
En quoi votre projet est différent ?
Comme on sait qu’un musée n’est pas rentable par essence et ne vit quasi exclusivement que de subventions et de dons, l’idée est de l’associer à un groupement d’entreprises. Concrètement, il s’agit de créer un « village japonais » avec restaurants, boutiques, activités ludiques qui entoureront le musée. C’est ce « village japonais » qui portera financièrement le musée.
Le fait qu’Emmanuel Macron ait soutenu le projet dans une vidéo l’a quand même sacrément boosté…
Le 20 septembre, nous avons lancé un financement participatif sur KissKissBankBank. Dans les 48 heures qui ont suivi le soutien du président, 500 000 euros supplémentaires ont été réunis. Dix jours plus tard, nous avons atteint 1 million et nous avons clos cette cagnotte en ligne le 5 novembre après avoir atteint le chiffre de 2,2 millions d’euros, soit le nouveau record d’Europe ! Sur près de 36 000 donateurs, ce ne sont pratiquement que des particuliers qui ont contribué.
Preuve que le jeu vidéo n’est pas une culture de niche…
Loin de là ! 70 % de la population joue régulièrement – une fois par mois et plus – aux jeux vidéo. C’est une culture qui est niée et pourtant que tout le monde connaît. Je crois que les préjugés ont la peau dure…
Comment Emmanuel Macron a-t-il eu vent de ce projet ?
Quand j’ai vu le succès du financement participatif, j’ai partagé ma joie sur LinkedIn. Or je suis suivi sur ce réseau par certaines personnes du gouvernement qui sont venus vers moi. Je ne les ai pas contactés.
En quoi un « haut patronage » du président de la République consiste-t-il ?
C’est une sorte de marque de soutien du président, ce qui facilite les démarches pour obtenir des subventions publiques, obtenir des prêts, aller chercher des investisseurs privés. C’est une marque de sérieux que le président accorde rarement, pas plus de deux ou trois fois dans l’année. C’est une distinction honorifique et qui n’entraîne aucun engagement financier de la part de l’État.
Vous n’êtes pas loin de Disneyland et ce projet ressemble à un conte de fées… Concrètement, comment cela avance-t-il sur le terrain ?
C’est vrai que, pour l’instant, on a eu du mal à y croire ! Mais ça y est, le terrain est bloqué, il a été vendu au promoteur. Nous avons lancé le concours d’architectes et nous devons annoncer fin mars le vainqueur puis déposer les plans, les permis de construire, etc. Le musée devrait ouvrir en 2026.
Quels sont les avantages d’installer le musée dans le Grand Paris ?
La surface au sol du musée mesurera 4 000 m2, avec possibilité d’étages. Pour trouver ce genre de bâtiment dans Paris à des prix raisonnables, il faut s’accrocher. Mais on reste proche de Paris ! Bussy se situe à 25 minutes de Châtelet en RER. L’avantage d’être dans le Grand Paris est de se situer à la croisée de tous les chemins : toute la France peut venir facilement. Tev avait eu d’autres opportunités en province, l’accès était moins aisé pour tous. D’après les projections, le musée pourrait attirer plus de 100 000 visiteurs par an, qui consommeraient aussi dans les commerces de Bussy. Économiquement, c’est très intéressant pour la Ville. Nous avons également prévu une salle de conférences pour faire venir des spécialistes ou encore organiser des « rencontres abonnés » pour les YouTubeurs. Collée au musée, il y aura une « Game Arena » de plus de 1 000 places pour les tournois d’e-sport notamment.
Le but de Tev est avant tout de mettre en avant le Japon. Mais le jeu vidéo ne le limite pas à la culture nippone…
Oui, le jeu vidéo est intimement lié au Japon car il s’y est démocratisé après être né aux États-Unis. Souvent, les férus de jeux vidéo sont passionnés de Japon. C’était pertinent de lier les deux univers mais nous élargirons évidemment aux autres cultures. D’ailleurs, nous avons déjà plus de 2 200 consoles à notre disposition, dont les premières consoles américaines. Des partenariats sont déjà signés avec des éditeurs de jeux vidéo français. Nous sommes meilleurs en conception de jeu qu’en construction de consoles, il faut bien l’admettre !
Plus d’infos sur le projet sur la page du financement participatif sur kisskissbankbank.com et sur la chaîne YouTube de Tev. Les 19 et 25 novembre, la ville de Bussy organise un tournoi d’e-sport. Plus d’infos sur bussysaintgeorges.fr
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13 novembre 2023 - Bussy-Saint-Georges