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Au MAC VAL, les faits divers font la une

"Dans sa série "Histoires vraies", la photographe Delphine Balley propose à des proches de rejouer, devant son objectif, des faits-divers. Ici : "Phtisique, C. Delièvre, faïencier à Choisy-le-Roi, alluma deux réchauds et mourut parmi les fleurs dont il avait jonché son lit / © Delphine Balley
Dans sa série « Histoires vraies », la photographe Delphine Balley propose à des proches de rejouer, devant son objectif, des faits-divers. Ici : « Phtisique, C. Delièvre, faïencier à Choisy-le-Roi, alluma deux réchauds et mourut parmi les fleurs dont il avait jonché son lit » / © Delphine Balley

Jusqu'au 13 avril, le MAC VAL à Vitry, premier musée d'art contemporain ouvert en banlieue, propose une exposition consacrée aux faits divers, « Faits Divers, une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse », avec au total pas moins de 80 artistes.

À l’entrée de l’exposition « Faits Divers » au MAC VAL à Vitry-sur-Seine (94), une affichette met en garde le public : « Compte tenu du thème de l’exposition, l’équipe du MAC VAL tient à prévenir du caractère déstabilisant voire bouleversant de certaines œuvres ». On serait tenté d’ajouter : « et évitez de venir juste après avoir déjeuné » car l’expo est un brin chargée en termes de crimes, de sordide et d’hémoglobine. Elle s’intéresse en effet à la façon dont les artistes se sont emparées de la question du fait divers.

Divisée en cinq « équations » selon le vocable choisi par les commissaires – mais le mot « parties » fonctionne aussi très bien –, elle ausculte toutes les faces du phénomène, de son inscription dans un schéma judiciaire à l’expression de la violence en passant par la fascination qu’il suscite.

L’oppression qui peut survenir au cours de la visite tient sans doute à la richesse de la sélection. En effet, pas moins de 80 artistes sont représentés. Face à leurs propositions, notre rôle de spectateur varie. Devant les gravures de Thierry Fraysse établies d’après les photos judiciaires de l’appartement de Kurt Cobain au lendemain de son suicide, nous voilà comme des enquêteurs traquant les traces d’un mal-être. Même impression face aux clichés des maquettes de Frances Glessner Lee. Ces dernières représentent au format maison de poupées des scènes de meurtres, originellement destinées aux étudiants en médecine légale de l’université de Harvard. Face à ces dioramas minutieusement réalisés, nous voilà, nous aussi, invités à chercher la clef de l’énigme.

Les dessous de la dimension sociologique du fait divers

L’exposition se révèle aussi passionnante quand elle explore la dimension sociologique du fait divers. Avec sa série « Preuves d’amour », la photographe Camille Gharbi recense les objets utilisés dans le cas de féminicides et y accole le nom des victimes. Quant à Samuel Bollendorff, il se penche sur la vague d’immolation en place publique en France entre 2011 et 2013 : une tous les quinze jours. L’artiste photographie les lieux apparemment banals – parking, centre de la CAF… – où ces drames se sont déroulés et y adjoint, en contrepoint, un récit écrit de l’événement. Quant à Agnès Geoffray, elle fait œuvre d’historienne avec ses « Canards sanglants ». Sur du papier cristal, elle reproduit les chapôs d’articles sensationnalistes de gazettes populaires des XVIe et XVIIe siècles avec loup-garou lyonnais ou jeune fille transformée en chat noir au programme.

Avouons-le, on se montre plus circonspect quand le fait divers ou son auteur se muent quasiment en objet de pop culture. À ce titre, l’affaire Grégory se situe sur la première marche du podium. Les mains entortillées du petit garçon sur son célèbre portrait sont reproduites en une sculpture murale géante comme un Bénitier de l’impensable par Xavier Boussiron. Avec Fils, voilà ma vengeance, Joël Brisse propose un triptyque reprenant le fameux cliché du corps du petit garçon repêché dans la Vologne. Le nom de la Vologne, justement, fait l’objet d’une broderie de la Brodeuse Masquée. Qui signe aussi un Heaulme sweet Heaulme, référence au tueur en série Francis Heaulme. On laissera à chacun le soin d’apprécier… ou non.

Après des œuvres qui chahutent le spectateur et l’invitent à interroger son propre rapport au fait divers, on n’est pas mécontent que l’exposition se termine sur une touche plus légère. C’est le cas avec les dessins de Didier Paquignon qui a cherché dans la presse des événements absurdes mettant en scène des animaux. À vous de découvrir ceux du lièvre en rogne contre des retraités autrichiens ou du chat empaillé transformé par son propriétaire en… hélicoptère télécommandé.

Infos pratiques : exposition « Faits Divers, une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse » au MAC VAL, place de la Libération, Vitry-sur-Seine (94). Jusqu’au 13 avril. Ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h. Tarif : 5 € (plein tarif), gratuit pour les moins de 26 ans. Accès : tramway T9 arrêt musée du MAC VAL / gare de Vitry (RER C) puis 15 minutes de marche. Plus d’infos sur macval.fr

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