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Au festival « Les Hivernales », on fait du théâtre pour ceux qui n’y vont pas

Le Cirque Aïtal participe à la 20e édition des Hivernales / © Mario del Curto
Le Cirque Aïtal participe à la 20e édition des Hivernales / © Mario del Curto

Depuis 20 ans, la compagnie Atelier de l'orage convie d'autres compagnies à venir se produire dans le sud de l'Essonne à l'occasion des Hivernales. L'objectif : toucher un public qui n'a pas les codes du théâtre. Alors que le festival se déroule jusqu'au 9 mars avec au programme quatre troupes de cirque, Enlarge your Paris s'est entretenu avec Gilles Cuche, metteur en scène et co-créateur des Hivernales, et Rocco Le Flem, artiste circassien.

Comment l’aventure des Hivernales a-t-elle commencé ?

Gilles Cuche : Le festival a 20 ans mais ça fait 35 ans que la compagnie Atelier de l’orage crée dans ce territoire rural. Nous étions une troupe de jeunes comédiens sortant de nos écoles et nous avions besoin d’une salle permanente. À Paris, c’était impossible, donc on a atterri ici et on s’est mis à jouer toutes les semaines. Puis on a organisé des moments pour rassembler les gens : des contes pour les enfants, des cabarets où l’on servait de la soupe… Un véritable réseau de diffusion s’est développé entre les villages. En 2005, on a décidé d’en faire profiter à d’autres compagnies invitées. Chaque année, une troupe vient aux Hivernales pour faire découvrir une esthétique artistique aux publics, notamment dans les écoles.

Quelle place le festival tient-il aujourd’hui sur le territoire ?

Gilles Cuche : Les Hivernales, c’est un festival itinérant qui se déplace dans une quinzaine de communes du sud de l’Essonne, attirant 3 000 spectateurs par an. On n’en finit pas de grossir ! Notre but, c’est de toucher les gens qui ne vont pas forcément voir les spectacles des environs. La décentralisation culturelle est arrivée à son terme, mais sa démocratisation reste un échec. Depuis des décennies, on a des établissements partout, dont seule une élite profite. Nous, on essaye de s’intéresser au public du territoire. Un jour, un directeur de théâtre m’a dit : « Gilles, tu fais des spectacles pour les vrais gens ! » On n’a pas un public de théâtre, ce ne sont pas les abonnés de Télérama. Ce sont des gens lambda, qui reviennent chaque année grâce au climat de confiance et d’exigence qu’on a installé.

Rocco le Flem, c’est votre deuxième fois au festival. Comment vous débrouillez-vous pour jouer dans des lieux qui ne sont pas forcément adaptés à votre pratique artistique ?

Rocco le Flem : Je suis artiste circassien, je pratique le mât chinois avec des installations assez grandes. Aux Hivernales, on performe souvent dans des salles ou des gymnases qui ne sont pas très hauts. Ça demande de la logistique pour repenser notre spectacle, mais ça nous force à imaginer d’autres possibles. Gilles est habitué, il sait comment recréer une véritable salle de spectacle avec des lumières professionnelles, un fond noir… Ce sont de réelles conditions de jeu pour les artistes et le public. En plus, c’est écolo : on s’adapte partout, donc on peut jouer une vingtaine de dates sans beaucoup de matériel et en faisant peu de kilomètres !

Comment attirer un public sur un territoire où la majorité des habitants ne se déplacent pas au théâtre ?

Gilles Cuche : Avec ma compagnie, on est habitués à ce département : on fait plus de 150 représentations par an sur un rayon de 80 km autour de Villabé (Essonne). Pour rencontrer le public, on propose de petits formats, exactement comme les artistes des Hivernales qui passent dans les écoles. Les élèves assistent à un atelier puis à une démonstration. Les tarifs aussi sont adaptés. On démarre à 5 ou 7 € le ticket. Certaines communes payent même pour les enfants afin de réduire les dépenses des familles nombreuses.

Rocco Le Flem : La clef, c’est l’empathie avec le public. Le but n’est pas d’imposer des références culturelles aux gens. Dans « Au Sommet » (anciennement « Complice(S) »), le spectacle que je présente cette année, on parle du lien d’amitié qui se tisse entre deux grimpeurs autour d’une même passion. Et de comment vivre si son partenaire disparaît. C’est un thème universel.

Gilles Cuche : J’écris des spectacles pour les enfants et les ados dans le respect de qui ils sont, car je les connais. Je suis toujours atterré quand je vois des directeurs de théâtres de banlieue habiter à Paris. Comment peut-on comprendre un public sans connaître son territoire ? Ici, on veut faire rêver tout le monde. La société est si sombre… Si les spectateurs repartent avec un peu de lumière, c’est déjà très bien !

Infos pratiques : festival « Les Hivernales » jusqu’au 9 mars dans plusieurs salles du sud de l’Essonne (91). Tarifs : 5 à 15 €. Infos et réservations sur atelierdelorage.com

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