« Un jour, il va dépasser le GR 20 en notoriété ! ». Daniel Ramey, président du Comité départemental de la randonnée pédestre de Paris en est sûr, « son » sentier de Grande Randonnée (GR), le GR 75 « Le tour de Paris à pied », a tout pour devenir une star ! Mais un parcours de randonnée 100 % urbain et même 100 % parisien peut-il rivaliser avec le mythique GR corse, connu des randonneurs du monde entier ? Créé en 2017 dans le contexte de la campagne pour les Jeux olympiques de 2024, le GR75 propose un tour complet de la capitale sur 50 km en longeant le périph’, les maréchaux – les anciennes fortifications de Paris – et la petite ceinture ferroviaire, désormais en partie végétalisée. Suffisant pour séduire les randonneurs franciliens, déjà fort bien pourvus en GR ? À l’annonce du second confinement, et alors que le parcours est en lice pour le titre de « GR préféré des Français 2021 », je décidais de l’arpenter en une journée, jeudi 29 octobre. Histoire de me faire un avis et de m’offrir un dernier effort physique avant d’être à nouveau enfermé dans le trop fameux rayon d’un kilomètre. Ce serait ma dernière journée de randonneur « libre » avant longtemps !
Dépaysant et inattendu
Mon objectif était d’être rentré pour le couvre-feu de 21 heures, et j’avais calculé qu’il me faudrait environ 12 heures de marche pour en venir à bout. Je fixais mon départ à 7h du matin, depuis le point 0 du tracé dans le parc de la Villette (19e). Douze heures trente plus tard, je bouclais la boucle, à 19h30, totalisant 56 km au compteur en raison de quelques détours par rapport au tracé originel. Le tracé justement ! Il faut bien le dire, ce projet m’avait attiré des sarcasmes d’amis : « 50 km de randonnée en ville, pourquoi faire ? Va plutôt en forêt…», « Marcher le long du périph, ça fait pas vraiment rêver ». En vérité, au-delà de la performance physique, je ne m’attendais pas à grand-chose de précis, même si j’avais bien une idée des quartiers et des paysages que j’allais traverser – les Habitations Bon Marché en briques rouges et les grands ensembles des années 70, les hôpitaux publics, les voies ferrées, les stades municipaux, tous ces « totems » urbains des marges de Paris que l’on aperçoit du périph ou des maréchaux.
En réalité, « faire » ce GR 75 s’est révélé extrêmement dépaysant, et inattendu. On peut changer d’ambiance d’un trottoir à l’autre, d’une rue à la suivante, passer d’un cœur de faubourg à des tours sur dalle, des marches d’une église Renaissance à un échangeur routier rugissant, longer d’anciens entrepôts magnifiquement reconvertis en universités, visiter des églises béton somptueuses. Et puis, on traverse, pour ne pas dire que l’on découvre, quantité d’espaces verts – ils sont 75 exactement le long de ce GR : squares 1930, jardins contemporains au-dessus du périph’ ou sur d’anciennes friches, bois parisiens de Vincennes et de Boulogne, miettes de parcs aristocratiques, anciens couvents ou reliquats villageois d’avant l’annexion haussmannienne. Faire le GR 75 c’est aussi jouer avec les frontières de Paris et de la banlieue, qui ne sont pas toujours claires, pas toujours hermétiques, et sûrement pas définitives. Les longer permet de mieux s’en rendre compte. Bref, faire ce tour de Paris et de son histoire, c’est très souvent passionnant et cela permet de se glisser dans la peau d’un touriste à Paris.
Un parcours accessible à tous
Il y a bien quelques longueurs sur le parcours, des passages monotones. Des petites portions du GR pourraient être révisées, notamment pour intégrer des parties de la petite ceinture ferroviaire récemment ouvertes au public. Quelques franchissements sont ubuesques, non pas parce que les baliseurs de la fédération de randonnée ont failli, mais parce que ceux qui ont aménagé la ville ont, dans les marges de Paris, donné une place excessive à la voiture. Il y a encore du progrès à faire pour que la ville soit complètement « marchable », et c’est aussi l’un des mérites de ce GR que de le rappeler, à quelques rares occasions.
J’ai donc marché 12 heures, sans m’arrêter autrement que pour prendre un café à emporter et avaler un sandwich. Marche constante, donc, mais sans vitesse excessive et sans effort particulier. Il est à noter que le parcours est complètement plat et donc accessible à tous. De l’eau et de bonnes baskets suffisent pour affronter ce tracé urbain, que l’on pourra faire en autant d’étapes que l’on souhaite.
Ensuite, il vaut mieux avoir préparé le parcours à l’avance. Lorsque l’on marche sur un GR, on se repère en suivant les fameuses balises que posent les bénévoles de la fédération de randonnée : deux traits horizontaux rouge et blanc. En forêt ou à la campagne, ces balises sont souvent peintes sur des arbres, et donc faciles à repérer. En ville, c’est un peu plus complexe, et les baliseurs font ce qu’ils peuvent. On trouve des balises sous forme d’autocollants sur des mâts de lampadaires, des poteaux de grillage, des feux rouges. En milieu urbain, il y a tellement de logos, de tags, de panneaux divers, que l’on peut s’y perdre un peu. Du coup, mieux vaut se munir du topoguide de la fédération de randonnée, Le tour de Paris à pied (4,90€). Il vous permettra de repérer le parcours, et vous donnera de nombreuses informations historiques sur le tracé.
Quant à moi, j’ai non seulement pour partie redécouvert ma ville natale, mais également ouvert un incroyable livre d’histoire urbaine. En attendant de pouvoir le parcourir lors du déconfinement, je vous invite à voter pour le GR75, afin de mieux de le faire connaître. Et donner raison à Daniel Ramey.
Infos pratiques : Le topoguide du « Tour de Paris à pied » est à commander sur boutique.ffrandonnee.fr au prix de 4,90€. Les votes pour « le GR préféré des Français 2021 » sont ouverts du 5 au 25 novembre sur mongr.fr. Outre le GR75, sont en lice « La Loire sauvage à pied », « Le tour des lacs d’Auvergne », « Le grand pic Saint-Loup », « Le tour des baronnies provençales », « La via Francigena », « La grande traversée du Jura » et « Le tour du Queyras ».
Mon parcours du 29 octobre
Mes photos souvenirs
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5 novembre 2020 - Paris