Comment ça, « réservation conseillée » ? Connaissant bien ce lieu un peu caché du Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), je suis un peu étonnée de cette injonction du patron. Car, si la terrasse de ce restaurant est très demandée l’été, on trouve en général toujours de la place en hiver dans la grande salle de la Guinguette de Robinson. Et puis depuis quand réserve-t-on une soirée karaoké ? À mon arrivée à 19 h 30, je découvre en effet une salle comble. Et, comme chez Ravensburger, tout le monde peut jouer de 8 à 88 ans.
Avec mes camarades de chant, nous nous dépêchons de commander nos plats car la soirée « We play, you sing » va bientôt débuter. Le concept est aussi simple qu’original : un karaoké en live, soit un concept paradoxal puisqu’on m’expliquera plus tard que le mot japonais peut-être traduit littéralement par « orchestre vide ». À la place de la bande-son cheap traditionnelle, je vais pouvoir apprécier les talents de Juliette au saxophone, à l’ambiance et aux chants, et ceux de Thibault, homme-orchestre qui assure le piano et la basse sur son clavier, les percussions grâce à ses pieds (la batterie est au sol) et un micro pour les chœurs. On me donne alors une ardoise pour que nous choisissions un nom de groupe et surtout deux ou trois chansons à entonner parmi les 700 titres proposés par le duo.
« On n’est pas là pour juger »
Grâce à l’introduction faite par Juliette, on apprend que Les Lacs du Connemara de Michel Sardou sera chantée ce soir par un Irlandais. Rapidement, l’ambiance monte d’un cran avant qu’un couple de sexagénaires n’enchaîne avec Pour un flirt de Michel Delpech. Encouragés par les musiciens, les chanteurs se lâchent et font le show. La larme à l’œil n’est pas loin lorsque les applaudissements retentissent. Les musiciens remercient avec humour les amoureux quand quatre copines d’une petite vingtaine d’années se lèvent. Moi qui croyais que les plus jeunes ne juraient que par Jul et Ninho, c’est Gabrielle de Johnny Halliday qui a été choisi. Lorsqu’elles se rasseyent, j’apprends qu’elles suivent les soirées « We play, you sing » depuis bien longtemps et que, pour l’une d’entre elles, c’est même une affaire de famille, sa mère l’accompagnant régulièrement.
Une autre bande d’amies choisit Mon mec à moi de Patricia Kaas. L’occasion pour Juliette de balancer avec puissance l’intro au saxophone, ce qui nous envoie directement avec nostalgie en 1988. La salle est en feu, et la chanson peut commencer au rythme des paroles s’affichant sur l’écran derrière les musiciens. « Il y a de plus en plus d’habitués. Certains comme Séverine, cette jeune femme enceinte qui a performé sur J’ai encore rêvé d’elle avec son compagnon, nous suivent depuis longtemps maintenant. On les retrouve très souvent et nous nouons des liens au fil des soirées », m’explique Juliette à l’issue de quelque trois heures à jouer non-stop. « Je crois que ces soirées plaisent avant tout car nous ne sommes pas là pour juger et l’ambiance est toujours bienveillante. Thibault et moi sommes aussi là aussi pour soutenir les gens qui prennent le micro, leur donner confiance, le public suit et ça fonctionne ! », confie Juliette.
300 dates en 10 ans
Le duo de musiciens a fêté la 300e de « We play, you sing » à la Cabane de Fred à Cachan (Val-de-Marne) début février, soit dix ans de représentations. Désormais, à part pour les événements spéciaux de particuliers ou d’entreprises, vous aurez plus de chance de croiser Juliette et Thibault dans la banlieue sud. « Au début, on jouait aussi dans des bars parisiens mais il y avait beaucoup de passage, beaucoup de touristes. Fédérer les gens était un peu plus compliqué, c’était plus froid. À Paris, il existe de chouettes endroits, je ne le nie pas, mais on préfère la chaleur de notre petit coin de banlieue. On sait que désormais il y a beaucoup de bouche-à-oreille et que les gens reviennent, en parlent autour d’eux », témoigne Juliette.
En dix ans, les soirées « We play, you sing » ont pu inspirer pas mal de monde. Et Juliette est intarissable d’anecdotes, entre la femme qui, après avoir chanté chez O’Massy Pale (Essonne) a un déclic et s’inscrit dans une chorale qu’elle anime désormais, des ados pas très bien dans leur peau qui se lâchent le temps d’une soirée, ou encore cet homme de ménage du siège de Société Générale à La Défense qui, le soir d’un événement d’entreprise animé par « We Play, you sing », sèche tout le monde le temps d’une chanson. « Il avait une voix incroyable. D’invisible, il est devenu la star de la soirée. Les cadres de la banque se sont mis à le regarder autrement. J’ai adoré », se réjouit Juliette.
Les demandes affluent
Aujourd’hui, les agendas du duo explosent et les demandes affluent. « Beaucoup de propriétaires de bars et de restaurants nous ont longtemps regardés de travers, jugeant le karaoké comme quelque chose d’un peu vulgaire, un peu beauf. Mais en général ils sont convaincus dès la première soirée ! » Il faut dire que, ce soir-là à la Guinguette, les serveurs sont sans cesse alpagués par des grandes tablées familiales ou amicales qui n’ont pas l’air d’avoir envie de partir.
La soirée s’achève. De mon côté, je n’ai pas vu le temps filer. Au-delà de chanter (faux) sur des airs d’Axelle Red et d’Amel Bent, j’ai rencontré des gens, ri avec mes voisins, été encouragée par des inconnus. L’espace de quelques chansons, j’ai l’impression d’avoir été à la maison, en famille. Quand la musique est bonne, chantait un certain Jean-Jacques. Promis, je lui rends hommage la prochaine fois.
Infos pratiques : retrouvez « We play, you sing » le vendredi 15 mars au Bistrot de Châtenay-Malabry (92), le 22 mars à la Guinguette au Plessis-Robinson (92), le 23 mars à la Réserve de Fred à Cachan (94). Gratuit. Plus de dates et d’infos à retrouver sur Facebook
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6 février 2024 - Le Plessis-Robinson