L’histoire commençait mal. Nous sommes en octobre, en pleine pénurie de carburant. J’ai rendez-vous à Montrouge (Hauts-de-Seine) avec Nicolas Trüb, créateur de la Boutique du futur (où il commercialise les objets sortis de son imagination débordante) et inventeur du « cyclospace », voiture à pédales conçue il y a près de 15 ans et sans cesse améliorer depuis. Alors que je m’apprête à faire mes premiers tours de roue à bord, surprise ! L’engin a disparu… Aucune panique pourtant chez l’inventeur constatant devant moi le vol de son « bébé » vendu entre 4 000 et 10 000 euros. Il semble coutumier du fait. « Mis à part un cyclospace que je n’ai jamais retrouvé, généralement le véhicule est vite localisé. C’est compliqué de cacher un engin pareil ! », plaisante-t-il.
Dès le lendemain, son cyclospace est en effet retrouvé à Malakoff (Hauts-de-Seine), bien attaché en prime, le comble… Quelques jours plus tard, enfin aux commandes et aux pédales de l’appareil à deux places (le cyclospace se décline en plusieurs versions), je m’élance sur la chaussée. Le démarrage n’est pas aisé car l’inertie est un peu plus grande qu’à vélo. Au bout de quelques mètres, je prends mes marques et commence à gagner en vitesse, m’insérant ainsi aisément dans la circulation.
Revenir aux origines de la voiture avec un engin mobile et autonome
Ni rosalie, ni karting, ni tandem amélioré, le cyclospace est bien une automobile selon l’ingénieur : « Nous revenons aux origines de la fonction de la voiture : un engin mobile et autonome. Une voiture à essence bourrée d’électronique n’a rien d’autonome ! » S’inspirant du vélocar, invention d’un certain Charles Mochet dans les années 1930, Nicolas Trüb a développé une quinzaine de ces cyclospaces, équipés ou non de panneaux solaires posés sur la demi-bulle en plexiglas faisant office de toit. Qu’ils contiennent deux, quatre, voire huit places pour les modèles les plus familiaux, ils répondent tous à deux contraintes : peser moins de cent kilos et ne jamais excéder les 30 km/h. On peut bien sûr l’acheter – le véhicule est fabriqué en trois mois à la demande – mais aussi le louer à l’heure (10 €), à la journée ou au week-end. Ingénieur de métier et designer, Nicolas Trüb s’est donné du mal car « faire simple, c’est très compliqué ! » Avec ses sièges en frites de piscine, ses pignons de vélo et sa simple batterie de vélo, le cyclospace peut en effet être réparé par un bricoleur du dimanche.
Convivialité et poésie
Premier feu rouge : un homme à scooter me pose des questions techniques. Deuxième feu : des piétons plaisantent avec ma passagère installée sur le siège à l’arrière. Au bout de trois minutes, je me rends compte que j’ai déjà échangé avec quatre personnes sur la voie. En plus d’être écologique, le cyclospace confère du plaisir de conduite et donne le sentiment d’être servi par la machine sans pour autant être asservie. Moi qui voulais avant tout tester les qualités mécaniques et urbaines du cyclospace, je m’aperçois que l’intérêt est ailleurs. « Il est tellement important de se sentir acteur du monde qui nous entoure ! Je suis bien entendu inquiet pour le climat, mais aussi et surtout face à notre perception du monde réel », confie Nicolas Trüb. Pour ce Géo Trouvetou bien connu des habitants de Montrouge, « on ne se sent bien que dans un monde dans lequel on a de l’impact. Vous aurez beau créer les meilleures solutions écolos, elles ne peuvent fonctionner que si elles possèdent un véritable intérêt individuel ». Force est de constater que de tels véhicules ne sauveront pas la planète mais rendent, à leur échelle, l’humain un peu meilleur. « En plus, impossible de s’engueuler à bord d’un cyclospace ! », conclut-il. Décidément, le cyclospace sait utiliser nos énergies à bon escient.
Infos pratiques : La Boutique du futur, 18, rue Périer, à Montrouge (92). Tarifs de location pour le cyclospace : 10 €/heure, 80 €/jour, 120 €/week-end. Tél. : 01 46 56 00 86. Accès : métro Mairie de Montrouge (ligne 4). Plus d’infos sur boutiquedufutur.com
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10 novembre 2022 - Hauts-de-Seine