Culture
|

Le musée des Arts et Métiers interroge la place de la voiture dans nos sociétés

Olivier Jeannin (Creative Commons - Flickr)
Bouchons sur l’A86 dans le Grand Paris / © Olivier Jeannin (Creative Commons – Flickr)

Jusqu'au 7 mai, l'exposition « Permis de conduire ? » au musée des Arts et Métiers à Paris se penche sur notre rapport à l'automobile. Un exercice de réflexion stimulant et décomplexant que nous décrit Lionel Dufaux, le responsable des collections du musée et commissaire de l’exposition.

Le temps était-il venu pour le musée des Arts et Métiers de questionner l’avenir de la voiture… ?

Lionel Dufaux : Cela fait quatre ans que nous y réfléchissions car nous assistons à une importante mutation du secteur automobile et des mobilités. On nous annonce pas mal de bouleversements de toutes sortes, depuis les véhicules autonomes jusqu’au bannissement de la voiture en ville. De quoi s’y perdre un peu. Nous avons eu envie de prendre un peu de recul sur toutes ces actualités et de faire réfléchir les visiteurs à leur rapport à l’automobile. Or le musée des Arts et Métiers possède une importante collection de véhicules automobiles dont l’un des plus vieux véhicules du monde, le Fardier à vapeur, fabriqué en 1770 par Nicolas-Joseph Cugnot, et quelques voitures atypiques qui poussent à la réflexion.

Pourquoi avoir choisi de nous faire regarder dans le rétroviseur ?

C’est un moyen d’impliquer les visiteurs, de les rassurer à propos d’un sujet plutôt clivant. Même si l’on n’est pas fan de mécanique automobile, même si l’on ne conduit pas, on possède tous des souvenirs en voiture. La voiture reste un dénominateur commun dans notre société. Par ailleurs, il existe un intérêt scientifique à se retourner vers le passé. Les solutions techniques qui se présentent à nous aujourd’hui puisent leurs racines dans le passé. Cela permet aussi de comprendre notre situation actuelle, avec un usage de la voiture au quotidien qui touche 75 % de la population active.

Traiter de notre rapport à la voiture est donc aussi un moyen de brosser un portrait de notre société…

En tant que musée, nous avons une posture d’observateurs. Nous ne sommes ni dans une sacralisation de la voiture, ni dans une mise au bûcher de ce mode de déplacement. La voiture dit simplement beaucoup de nous. Les générations qui nous ont précédés ont fait des choix. Elles se sont appuyées sur des modèles très polyvalents à moteur thermique ; des voitures qui permettent autant les déplacements en ville que sur autoroute, parfaites pour le quotidien et les vacances donc. Mais ce modèle érigé comme base des mobilités est générateur de nombreux inconvénients entre pollution, accidents, encombrements des villes… Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux limites de ces choix sociétaux. Au lieu de les condamner et de culpabiliser, nous avons essayé de réfléchir à d’autres solutions.

Quelles sont-elles ces solutions ?

Il n’en existe pas de parfaites pour l’instant ! Nous essayons surtout d’encourager le libre arbitre de nos visiteurs. Comprendre notre histoire nous permet de nous comporter de manière plus active en tant que citoyens. Nous avons aussi voulu montrer les avantages et les inconvénients de chacune des motorisations. Il est impossible de dresser un classement ! Il faut être conscient du compromis, des choix à faire selon notre besoin de sécurité ou de conscience écologique par exemple. Un pan de l’exposition s’intéresse aussi aux pièges de la publicité. C’est à nous, en tant que citoyen, de réfléchir aux solutions les plus appropriées. Nous essayons d’amener les visiteurs vers davantage d’esprit critique. Parallèlement, nous montrons des modèles de voiture un peu atypiques et artistiques pour réfléchir à tout cela, comme la Voiture cathédrale du designer Dominic Wilcox qui a imaginé une voiture idéale entre autonomie complète et savoir-faire ancestral avec la présence des vitraux.

Bien qu’elle traite d’un sujet sérieux, cette exposition ne se prend pas au sérieux…

Oui, c’était très important ! Je souhaitais que nous restions évidemment très rigoureux dans nos données, mais selon moi une exposition ne doit pas se transformer en cours magistral. Parce qu’il s’agit d’un sujet qui peut vite devenir anxiogène et culpabilisant, nous avons voulu garder un ton décalé et léger.

À la fin de l’exposition, les visiteurs peuvent prendre part à un jeu autour de la voiture idéale. Une tendance se dessine-t-elle ?

Les idées très arrêtées sont assez rares. Les plus âgés sont néanmoins davantage attachés à la voiture comme propriété privée. À côté de cette tendance générationnelle, on note que la question de l’usage l’emporte largement sur la question de l’esthétique. Les visiteurs penchent davantage vers des voitures pratiques plutôt que vers des voitures « qui en jettent ». Cela se saurait si la Batmobile et la voiture de James Bond étaient pratiques au quotidien !

Infos pratiques : exposition « Permis de conduire ? » au musée des Arts et Métiers, 60, rue Réaumur, Paris (3e). Jusqu’au 7 mai. Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h, nocturne le vendredi jusqu’à 21 h. Tarifs : 12 € (plein tarif), gratuit pour les moins de 26 ans. Accès : métro Arts et Métiers (lignes 3 et 11) ou Réaumur-Sébastopol (lignes 3 et 4). Plus d’infos sur arts-et-metiers.net

Lire aussi : J’ai testé le cyclospace dans les rues de Montrouge

Lire aussi : Sept idées pour voyager dans le Grand Paris sans voiture (et donc sans effort)

Lire aussi : « Sur le périphérique, on ne compte actuellement que 1,1 personne par véhicule »