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L’artiste Duy Anh Nhan Duc sublime la nature grand-parisienne à Versailles

La chapelle de l'ancien hôpital royal de Versailles accueille les oeuvres de Duy Anh Nhan Duc jusqu'au 26 janvier / © Pierrick Daul / Ville de Versailles
La chapelle de l’ancien hôpital royal de Versailles accueille les œuvres de Duy Anh Nhan Duc jusqu’au 26 janvier / © Pierrick Daul – Ville de Versailles

Cela fait une quinzaine d'années que le plasticien Duy Anh Nhan Duc travaille à partir des fleurs, des herbes sauvages et désormais des arbres du Grand Paris. Quelques-unes de ses inspirations sont à voir jusqu'au 26 janvier à l'Espace Richaud aménagé dans la chapelle de l'ancien hôpital royal de Versailles.

Dans son atelier aux airs champêtres, des guirlandes de fleurs séchées sont suspendues au plafond. Dans une autre grande pièce, des feuilles de figuier tapissent tout le sol. On pourrait se croire à la campagne, en vallée de Chevreuse (Yvelines), dans le Vexin (Val-d’Oise)… Nous sommes pourtant au Pré-Saint-Gervais, en Seine-Saint-Denis, à deux pas du périphérique, dans un ancien garage. C’est là que l’artiste Duy Anh Nhan Duc, 41 ans, rapporte les butins de ses tournées de glanage.

Depuis une quinzaine d’années, le plasticien cueille des fleurs et des herbes sauvages qui poussent en ville au pied des arbres, sur les ronds-points, dans les parcs, les cimetières ou encore les bois de Vincennes (12e) et de Boulogne (16e). « On ne regarde pas assez la nature en ville. On ne porte pas assez d’attention aux herbes sauvages qui pourtant sont là, discrètement, dans le paysage, résilientes », témoigne-t-il.

Nhan Duc s’est fait connaître avec des créations – sculptures, installations, tableaux – d’une poésie folle à base notamment d’aigrettes de pissenlit et de salsifis des prés. Des graines aériennes agencées parfois sur de minces fils de nylon. Consécration, l’artiste a été exposé au musée des Arts asiatiques Guimet à Paris (16e) il y a trois ans.

Après les modestes astéracées des villes, Nhan Duc s’intéresse désormais à des végétaux plus imposants : les arbres citadins ,« indispensables à notre survie ». Ceux-ci inspirent ses dernières créations, présentées à l’Espace Richaud, dans la chapelle de l’ancien hôpital royal de Versailles (Yvelines), et parmi lesquelles on trouve une empreinte d’écorce réalisée avec un tissu sur un grand pin d’Andalousie tombé dans le cimetière Notre-Dame, près du château de Versailles. Des pièces de lin et de coton sont aussi accrochées en l’air, à l’entrée de l’Espace Richaud, teintées aux couleurs des feuilles de frêne, de hêtre ou de sureau, tel un ensemble de voiles très claires.

« Je suis autodidacte, j’ai toujours procédé par tâtonnement »

D’un grand sapin de Noël, il a fait une sculpture, le tronc de l’arbre se transformant en chaîne sculptée dans le bois et tombant du plafond de la coupole. « Elle vient d’un sapin qui, lorsqu’on l’achète, porte en lui l’idée de fête, de réunion familiale, mais qui fait partie aussi d’un business colossal, explique-t-il. Mon œuvre symbolise à la fois l’union, celle des chaînons, et l’idée d’emprisonnement. »

« Je suis autodidacte, j’ai toujours procédé par tâtonnement », ajoute-t-il. Après une formation en cuisine (« pour pouvoir voyager »), suivie d’un BEP vente, le jeune homme, arrivé du Vietnam en 1993 avec sa famille à Épinay-sous-Sénart (Essonne) et ayant grandi à Stains (Seine-Saint-Denis), décroche un job d’été chez un fleuriste. Ce travail de quelques semaines en magasin provoque un déclic : il veut créer des œuvres d’art avec les plantes, celles qui se trouvent à sa portée.

Une quinzaine d’années plus tard, le plasticien jouit d’une certaine notoriété. Il a par exemple créé un sac pour Dior. Il s’est lancé aussi dans une course contre la montre prestigieuse : achever pour la gare du Grand Paris Express La Courneuve–Les six routes deux grandes parois transparentes d’ici à 2026. Elles renfermeront des feuilles et des graines récoltées dans le parc Georges-Valbon de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), dorées et incluses dans de la résine, et répondront aux dessins de lignes de la main d’habitants de La Courneuve parcourant un plafond de la gare comme un système racinaire.

Dans le même temps, Nhan Duc rêve de partir dans les mois qui viennent ramasser des feuilles et effectuer des empreintes de troncs au Brésil auprès des peuples autochtones amazoniens. Une quête qui aura donc débuté en banlieue…

Infos pratiques : exposition « Les Cimes de l’asphalte » à l’Espace Richaud, 78, boulevard de la Reine, Versailles (78). Jusqu’au 26 janvier. Ouvert du mercredi au vendredi de 12 h à 19 h et le week-end de 10 h à 19 h. Entrée libre. Accès : gare de Versailles Rive Droite (ligne L). Plus d’infos sur versailles.fr

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