Culture
|

Les récits de voyages au bled au cœur d’une grande collecte en vue d’une expo au Grand Palais

Le clip "Tonton du bled" par le 113 en 1999 / capture d'écran YouTube
Le clip « Tonton du bled » par le 113 en 1999 / capture d’écran YouTube

D'ici au mois de juin, l'artiste Mohamed El Khatib collecte les récits de voyages au bled comme cette semaine devant la MC93 à Bobigny avant une exposition au Grand Palais à Paris du 13 au 29 juin.

Sa carrosserie caramel prend le soleil devant la MC93 de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Sur le flanc, elle arbore un autocollant Yacco et sur le capot le fameux sigle en forme de losange. Sa forme reconnaissable entre mille aimante les passants. « La Renault 12, c’est vraiment le dénominateur commun de toutes ces histoires de voyage vers le bled » , souffle Barbara Chevenon, attachée développement des publics et billetterie de la MC93. Le théâtre accueille en effet durant une semaine une collecte organisée par l’artiste Mohamed El Khatib : celle de récits de voyages estivaux des familles originaires du Maghreb vers l’Algérie, le Maroc ou la Tunisie ; ces fameux « retours au bled », odyssées transméditerranéennes célébrées notamment dans la chanson Tonton du bled du 113. « C’étaient des récits manquants, témoigne Mohamed El Khatib. Dans les années 80-90, ce retour au bled était une épopée mythique avec la voiture surchargée, les cadeaux rapportés à la famille… »

Lui-même l’a vécu avec sa famille pour regagner le Maroc, terre natale de ses parents. « Trois jours de route avec une traversée interminable », ponctuée de moments de joie collective « quand on voyait toutes ces voitures sur la route, aussi chargées que la nôtre », mais aussi de moments tragiques. « Les accidents étaient nombreux en raison de la fatigue des conducteurs, notamment. On connaît tous une famille qui n’est jamais arrivée à bon port. » Au gré des récits déjà collectés, Mohamed El Khatib a repéré certaines invariables : la longueur du voyage, la peur de se perdre, le chargement titanesque des voitures, la hantise des accidents donc, mais aussi les souvenirs des repas pris sur la route, l’excitation de retrouver la famille et les préparatifs pour se faire beau juste avant d’arriver, « afin d’être à la hauteur du mythe de réussite en France qu’on a vendu ».

L'artiste Mohamed El Khatib pendant la collecte à Bobigny / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
L’artiste Mohamed El Khatib pendant la collecte à Bobigny / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Une exposition à venir au Grand Palais

En juin, ces histoires se retrouveront au cœur d’une exposition au Grand Palais à Paris (8e). Y seront exposées une dizaine de Renault 12 et de 504, comme autant de « musées mobiles » dans lesquelles le public sera invité à se glisser pour écouter des témoignages de retour au pays. Parmi celles-ci, l’artiste dévoile l’existence de la Disco-Mobile : on pourra y écouter une playlist élaborée à partir des souvenirs de musique écoutés durant le périple. « Un véritable makrout de Proust », sourit-il.

Pour l’heure, Mouauia vient de prendre place dans la Renault 12. À 49 ans, cet habitant de Bobigny est heureux de pouvoir raconter ses retours estivaux vers le Maroc, à l’arrière d’un J5 Peugeot, avec ses cinq frères et sœurs. Inévitablement, il relate « la voiture prête à exploser ». Mais aussi la nécessité de faire des tours de garde la nuit et de rester éveillé pour surveiller la voiture. Sans oublier le rituel du méchoui dégusté en famille pour célébrer l’arrivée au Maroc.

« Je suis un peu nostalgique de ce périple, raconte-t-il. Il a une dimension à la fois symbolique et sentimentale. Et puis cela fait partie de mon histoire. » Une histoire d’autant plus précieuse à recueillir qu’elle est en voie de disparition. Comme le souligne Mohamed El Khatib, aujourd’hui, la plupart des retours au pays se font en avion. Et, pour ceux qui continuent à prendre la voiture, la climatisation des véhicules, les restoroutes, les hôtels rendent le voyage moins épique. Dès lors, raconter ces périples emblématiques des décennies 70, 80 et 90, c’est non seulement faire œuvre de mémoire mais aussi « réparer une absence dans l’histoire de France ».

Infos pratiques : si vous souhaitez raconter votre voyage au bled, il est possible de le faire jusqu’au 7 mars au soir à la MC93, 9, boulevard Lénine, Bobigny (93). Contactez Barbara Chevenon par mail à b.chevenon@mc93.com ou par téléphone au 07 55 58 50 86. Après cette date, si vous voulez confier votre récit à Mohamed El Khatib et son équipe, vous pouvez leur écrire à zirlib@yahoo.fr

Lire aussi : Au-delà du périph, la culture passe sous les radars des médias

Lire aussi : La banlieue dans l’œil du photographe humaniste Willy Ronis

Voir aussi : Ils et elles instagrament le Grand Paris