Balades
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Rampillon, Combreux, Pontignot… Sur les traces des gouffres d’Île-de-France

Le gouffre de Rampillon en Seine-et-Marne / © Gilbert Chalard
Le gouffre de Rampillon en Seine-et-Marne / © Gilbert Chalard

S'ils ne sont pas aussi spectaculaires que Padirac, les gouffres franciliens sont une curiosité méconnue que nous invite à découvrir le géographe Laurent Chalard.

Pour le citoyen curieux de son environnement géographique, il est toujours bon de se perdre dans les ouvrages anciens pour se rendre compte des modifications du paysage. Parmi les nombreux livres traitant de l’Île-de-France, il en est un particulièrement intriguant, le Dictionnaire topographique des environs de Paris, jusqu’à 20 lieues à la ronde de cette capitale, publié en 1817 par Charles Oudiette et réédité en 2000 par les Editions des Traboules. Deux de ses notices, consacrées aux communes de « Presles lès Tournan » (Presles-en-Brie) et « Liverdy » (Liverdy-en-Brie) en Seine-et-Marne, nous apprennent l’existence de « gouffres », comme en témoignent les extraits suivants :

« On y voit un moulin dit de Vilgenard, au dessous duquel est un gouffre, où le ruisseau qui le fait tourner se jette avec précipitation et se perd. Un peu plus loin, dans la vallée ensuite de ce moulin, sont encore d’autres gouffres qui absorbent toutes les eaux qui descendent des collines environnantes, sans savoir où elles sortent » (extrait concernant Presles).

« On y remarque comme un fait curieux, plusieurs gouffres qui absorbent, sans qu’on connaisse leur issue, ni leur direction, les eaux qui descendent des fontaines voisines et qui se perdent sans retour sous les roues des moulins établis sur leur passage » (extrait concernant Liverdy).

Or, pour tout un chacun, l’idée de relief karstique, c’est-à-dire des paysages marqués par la dissolution du calcaire, évoque le Vercors, l’Ardèche ou la Dordogne, mais certainement pas l’Île-de-France. Et pourtant, du fait de son assise géologique calcaire et d’un léger encaissement du réseau hydrographique, en particulier sur le plateau de la Brie, la région capitale possède elle-aussi un relief karstique, mais de faible ampleur. Ici, pas de gouffres majestueux de plusieurs centaines de mètres de profondeur, de grottes remplies de concrétions plus belles les unes que les autres s’étendant sur des kilomètres ou de résurgences spectaculaires de rivière. Cependant, nous avons bien affaire aux mêmes processus avec les mêmes résultats. Seule l’échelle n’est pas la même.

Le gouffre de Combreux, le plus spectaculaire

Pour contempler ces gouffres, que l’on dénomme « pertes de la Marsange », du nom de la rivière, il faut partir à l’aventure car la plupart ont disparu depuis la Restauration du fait des aménagements hydrauliques effectués au XXe siècle en lien avec l’intensification de l’agriculture. Aujourd’hui, trois d’entre eux sont visibles pour le visiteur curieux de géologie francilienne.

Le gouffre de Combreux, sur la commune de Presles-en-Brie (Seine-et-Marne), est le plus spectaculaire. Après s’être stationné sur le parking du village, il faut s’engager au nord dans une allée d’arbres traversant un ancien bassin entouré de statues pour se rendre en contrebas à l’étang municipal. Arrivé à proximité, il s’agit de franchir la passerelle piétonne au niveau du gué puis de monter sur un champ d’openfield typique de la Brie du XXIe Siècle. Ensuite, au sommet de la colline, en tournant à gauche, on redescend vers la vallée et l’on voit émerger une zone semi-humide non cultivée qui correspond à l’ancien cours de la Marsange, la rivière ayant été détournée. En bas à droite, une grosse dépression apparaît, sensiblement plus profonde que le cours actuel de la rivière. C’est le gouffre de Combreux, dans les faits une ancienne perte de la rivière, maintenant fossilisée et dont le fond est obstrué pour empêcher que l’eau s’y écoule.

Le gouffre de Pontignot se situe lui à Liverdy-en-Brie (Seine-et-Marne). Une fois parvenu au hameau des Fontaines de Liverdy, il faut prendre un chemin en terre puis tourner à droite vers la rivière en se dirigeant vers une vallée au charme bucolique, monter sur la passerelle au niveau du gué et de là admirer les dépressions à droite dans le champ, malheureusement inaccessibles en raison des barbelés.

Le troisième gouffre, également sur la commune de Liverdy-en-Brie, se trouve sur le cours d’un petit affluent, le ru de Freneuse, que l’on peut rejoindre sur la gauche juste avant de franchir le gué sur la Marsange depuis la ferme de Rétal. S’il est moins grandiose en termes de circonférence, il a le mérite d’être pleinement actif puisque l’on voit le ruisseau en eau disparaître totalement dans ce qui paraît à vue d’œil comme un trou de souris. Le reste du cours qui rejoint la Marsange est à sec la quasi-totalité de l’année, sauf en période de fortes pluies, où la perte n’est plus en capacité d’absorber la totalité du débit du cours d’eau.

Un dernier gouffre pour la route

Une fois ces balades terminées, si vous en avez encore le courage, vous vous devez de compléter votre voyage karstologique par le site des gouffres de Rampillon au sud de la Seine-et-Marne. Pour cela, il vous suffit de vous rendre dans le village de Rampillon, d’emprunter la route départementale 62 et de vous garer sur un parking en terre juste avant le ru des gouffres et la ferme de la Charité. De là, il vous faut longer à pied le mince cours d’eau jusqu’à une passerelle menant de l’autre côté à un étang puis  continuer de suivre le ru dans le petit bois pendant une centaine de mètres, où vous pourrez contempler les eaux se perdre dans le sous-sol, le ru disparaissant purement et simplement dans les entrailles de la terre.

Si vous parvenez à découvrir tous ces gouffres, sachant qu’aucun n’est mentionné sur les cartes topographiques IGN récentes (dont je vous conseille vivement de vous munir tout de même pour vous repérer), vous aurez définitivement fait votre trou parmi les explorateurs franciliens. 

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