Qui n’a jamais croisé une mosaïque Invader, cet extraterrestre inspiré du jeu vidéo Space Invader et collé sur les murs des villes ? À l’image de Banksy, Invader, à l’origine de cette invasion pacifique et artistique, veille à conserver son identité secrète alors même que sa notoriété flirte avec les sommets et que ses œuvres prennent place aux quatre coins du monde. Selon le site officiel space-invaders.com, on peut admirer quelque 1 522 aliens dans Paris, 219 à New York, plus de 50 à São Paulo, 11 au Bhoutan et même un en orbite actuellement dans la Station spatiale internationale.
Dès lors, rien d’étonnant, pour quelqu’un qui se joue ainsi des frontières, de faire fi du périphérique. Il a notamment pris d’assaut les murs de Versailles (Yvelines) et Fontainebleau (Seine-et-Marne), qui accueillent respectivement 42 et 46 de ses œuvres. Et, depuis dix ans, la communauté des fans peut compter sur l’appli gratuite Flash Invaders, créée par l’artiste lui-même, pour partir à la chasse aux Invaders et gagner des points tout en découvrant une ville. « C’est une copine qui m’a parlé de l’appli, me raconte Marine, devenue chasseuse d’Invaders avec sa fille Chloé. La chasse aux Invaders est une occasion de nous balader chez nous, à Pantin et à Paris, mais aussi ailleurs. Dernièrement, nous avons chassé à Lille, le temps d’un week-end familial. » Et si cette quête était une manière d’appréhender autrement le Grand Paris ?
Quand le portable se transforme en filet à papillons
En cette matinée d’octobre, je décide de me promener à vélo avec mon fils non loin de chez moi, entre le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine, bien décidée à débusquer quelques Invaders. Le hic : l’appli ne mâche pas vraiment le travail des chasseurs d’Invaders car, si l’on peut voir en temps réel les différentes œuvres d’Invader flashées par les autres utilisateurs, rien n’indique l’emplacement géographique des mosaïques. « Il y a un petit boulot à faire en amont : repérer les Invaders avant de se lancer car ils sont souvent cachés », m’avait prévenue Marine. Nous partons donc avec quelques infos glanées sur Internet, mais rien de bien précis. Comme je fais confiance à mon intuition, nous prenons la direction de l’aqueduc d’Arcueil (Val-de-Marne) où je suis à peu près certaine d’en avoir croisés. Rien à signaler… Mon intuition ne fait pas la fière. Cependant, j’en profite pour faire la découverte çà et là de passages bien planqués et de petits jardins.
Nous remontons les rues et finissons par arriver à Montrouge (Hauts-de-Seine), que je connais bien pour y avoir habité. Pourtant, impossible de retrouver l’Invader devant lequel je suis passée 100 fois. À la place se trouve un bâtiment flambant neuf et sans charme. Finalement, nous ouvrons notre compteur du côté de Malakoff (Hauts-de-Seine). Nous descendons de notre monture pour flasher le superbe Invader composé d’émojis pixélisés (un cri, un fantôme et une flamme) qui trône au-dessus d’une boutique délabrée. Mon fils s’empare alors de mon portable, qui joue ici le rôle de filet à papillons. Résultat : nous gagnons 100 points, soit un très gros score.
Quelques mètres plus loin, il flashe cette fois un Invader ailé que je n’avais pas vu et en profite pour me poser mille questions sur les autres peintures du mur. Marine m’avait témoigné cette même curiosité chez sa fille : « La chasse aux Invaders lui a permis de se familiariser avec l’art sans en avoir l’air. Maintenant elle reconnaît les différents styles, voire les artistes, et s’est même mise à pratiquer le Pixel art ! »
Plus qu’une simple balade
Nous continuons notre chemin. Entre deux recherches infructueuses d’Invaders, nous plaisantons avec les passants et je fais la découverte d’un nouveau bar à vin. Peu à peu, nous voici du côté de Vanves. Là, sous un pont, victoire, un nouvel Invader ! Mais la désillusion est grande : l’appli indique qu’il s’agit d’un faux. « Comme la quête est un peu sportive pour des jeunes marcheurs, j’ai finalement acheté une deuxième appli qui référence tous les Invaders et leur position géographique », m’avait confié Marine, pour qui ces balades sont plus qu’une simple promenade. Cela permet de partager quelque chose avec ses enfants et d’apprendre à regarder. »
Pas question pour autant de s’arrêter après cet échec ! Nous empruntons la « Promenade des vallons de la Bièvre », une coulée verte cyclable à l’abri de la circulation. Un mur couvert de graffitis me regonfle d’espoir. Sur notre route, nous croisons un square caché avec un toboggan XXL et un mur d’escalade. La pause s’impose pour mon fils qui a su – un miracle ! – rester enthousiaste pendant deux bonnes heures. Nous rentrons ensuite dans nos pénates en passant par Bagneux (Hauts-de-Seine). Toujours aucun Invader à signaler mais deux parcs que je n’avais encore jamais remarqués, pas mal d’œuvres sur les murs et même une fresque gigantesque et poétique sur l’immeuble qui se trouve derrière la nouvelle station de métro Bagneux–Lucie Aubrac.
Si notre périple s’est montré avare en envahisseurs, nous avons tout de même vécu une vraie petite aventure à côté de chez nous, et en avons profité pour discuter aussi bien d’art que d’extra-terrestres. Une manière aussi pour nous d’apprendre à changer de regard sur les territoires qui font notre quotidien et de se rappeler que les villes sont des mosaïques XXL dans lesquelles il peut faire bon se perdre.
Infos pratiques : l’appli « Flash Invaders » est à télécharger gratuitement sur space-invaders.com
Lire aussi : À Bobigny, un ancien garage métamorphosé en friche street art
Lire aussi : Avec « We are here », le street art s’invite entre les collections du Petit Palais
Lire aussi : Comment le 13e est devenu une référence du street art depuis 10 ans
4 octobre 2024