Bricolé avec cœur et talent dans les locaux d’une ancienne quincaillerie, le Vitry Fada vient de fêter ses deux ans et échappe aisément aux comparaisons. Sa différence ? Il n’a pas été conçu à partir du cahier des charges actuellement dupliqué sur la plupart des friches de la région parisienne. Dans son joyeux bordel organisé, la maison du Fada accueille petits et grands, riches et pauvres, sans distinction de genre ni de classe. Cet amour des gens, revendiqué dans une perpétuelle envie de créer du lien social de façon simple et naturelle, scelle le succès d’un lieu de vie que Jam Meftah et sa femme Caroline tiennent à bout de bras. On peut y suivre des ateliers de toutes sortes, jouer au bingo, acquérir un bel objet design, profiter du rooftop ou, plus simplement, y boire un verre. “J’ai un peu de mal avec ces énormes friches et ces gros projets de reconversion, avoue Jam sans faux-semblant. C’est une tendance qui s’est transformée en très gros business, les choses ne sont plus du tout improvisées. Aujourd’hui, ces projets sont extrêmement pensés et hiérarchisés. Le business est très calculé avec une grosse rentabilité à la clé. Mais je n’ai pas monté ce lieu dans la mouvance des friches et de leur reconversion. C’est bobo, c’est tendance, mais je ne suis pas dans le mimétisme. »
« Avec le Grand Paris, tout le monde est sur les starting-blocks »
« C’est parce que je ne rentre dans aucune case que je suis finalement un gros caillou dans la chaussure de plein de gens. Alors on m’envie cette liberté de faire, mais elle a un prix. J’ai lâché mon ancien business dans l’immobilier, dans lequel je gagnais très bien ma vie. Quand j’ai ouvert cette boîte à Vitry, il y a quinze ans, tout le monde m’a pris pour un fou. J’étais vraiment l’agence immobilière pas comme les autres, avec déjà cette idée de transformer les espaces. Ce qui me faisait kiffer c’était de dénicher des usines ou des friches et de les repenser pour ensuite les revendre sous forme de projets. De l’extérieur on pourrait croire que je suis zinzin et que j’ai monté les choses à l’arrache alors que c’est le résultat d’une série d’expériences de vie. J’ai débuté dans le social, j’étais animateur de catégorie A en politique jeunesse avant de monter ma boîte avec trois fois rien. Il y a huit ans, j’ai également initié un festival de street art, le Vitry Jam, avec C215. Donc ces expériences et ma réflexion sur mes envies et mes motivations ont fini par aboutir à Vitry Fada. Ce qui m‘excite dans ce projet, c’est toujours cette idée de pouvoir transformer les choses. Et ce qui est transcendant dans l’histoire du Vitry Fada, c’est que tu ne transformes pas simplement une vieille quincaillerie pourrie mais aussi son environnement. On le voit bien, on est sur une place symbolique, la place du 19 mars 1962, dans un quartier où il y a de l’argent. Alors, c’est certain, l’arrivée d’un Vitry Fada au beau milieu de tout ça chamboule les habitudes. Mais c’est un phénomène qui s’inscrit dans la transformation de la ville. Avec le Grand Paris, tout le monde est sur les starting-blocks, qu’il s’agisse des entrepreneurs, des architectes ou des urbanistes. À notre échelle, on pose aussi des questions. C’est le côté tripant du projet. »
Infos pratiques : Vitry Fada, 5 place du 19 Mars 1962, Vitry-sur-Seine (94). Ouvert du jeudi au samedi à partir de 18h00. Brunch tous les premiers dimanches du mois. Plus d’informations sur Facebook
Les trois adresses coups de cœur de Jam Meftah à Vitry :
Les cheminées de la centrale thermique EDF dans le quartier des Ardoines, 7 rue des Fusillés
« Je choisis ces cheminées car elles rappellent le passé ouvrier et mes origines. Mon père a travaillé toute sa vie dans une usine. C’est également un symbole d’avenir puisqu’elles tendent les bras au ciel. »
Le Pont du Port-à-l’Anglais
« C’est le pont de Vitry mais pour moi c’est aussi le pont de Brooklyn. Il me fait bien sûr penser à New York, une ville ouverte, cosmopolite, en mouvement. À New York règne un esprit avant-gardiste. C’est une ville de liberté où tout est possible. »
Le parc Frédéric Joliot-Curie, 65 rue Antoine Marie-Colin
« Pour moi c’est le “parc des cygnes” car c’est ici que Caroline et moi avons fait nos photos de mariage il y a dejà 19 ans. »
A lire : Vitry Fada, une auberge espagnole abracadabrante et Le Grand Paris résumé en huit adresses
5 juin 2018 - Vitry-sur-Seine