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De Versailles on connaît bien sûr la splendeur du parc et de ses fontaines. Mais on ignore l’ampleur des travaux qu’il a fallu mener pour faire venir l’eau nécessaire, mobilisant près de la moitié du budget de la construction du palais de Louis XIV…
Philippe Montillet : A l’époque, les jardins avec des fontaines étaient à la mode, une mode bien sûr importée d’Italie, mais développée pour montrer une certaine maîtrise de l’homme sur la nature. Louis XIV, qui était un roi porté sur l’innovation, a tout de suite voulu des bassins en quantité, des jeux d’eau, du grand spectacle. La plaine de Versailles était malheureusement un site peu adapté : il y avait un ruisseau, le rû de Gally, des cloaques et des marécages. Pas de quoi alimenter des jeux d’eau à la hauteur des rêves du roi.
Du coup, les ingénieurs se sont mis au travail…
Oui, ils ont lancé un programme dont la réalisation va durer près de trois décennies, et coûter un argent fou. On fait d’abord venir l’eau du plateau de Saclay, qui se trouve au-dessus de Versailles. On crée pour cela un important réseau de plusieurs kilomètres de rigoles, de canaux, d’aqueducs, pour amener l’eau de la Bièvre et d’un chapelet d’étangs artificiels gigantesques creusés exprès, à Saclay, Trappes, Saint-Quentin et au-delà. Toute cette eau était notamment dirigée vers des réservoirs situés à côté de l’actuelle gare de Versailles-Chantiers, les Etangs Gobert du nom de l’ingénieur concepteur de l’ensemble.
Ces réservoirs forment désormais un jardin public et une ferme urbaine, que nous découvrirons lors de la balade de la ligne 18 le 25 mai…
… et qui à l’époque ne suffisaient pas pour alimenter les toujours plus imposants jeux d’eau du roi. On cherchera ensuite à capter l’eau de la Seine, qui sera aspirée par une pompe incroyable, la machine de Marly, qui était encore debout il y a trente ou quarante ans. On a ensuite voulu détourner l’eau de l’Eure, une rivière qui se situe à des dizaines de kilomètres de Versailles. Mais l’argent manqua pour finir ce projet gigantesque. Versailles, ce fut en tout cas à l’époque le plus grand chantier hydraulique d’Europe, avec 30.000 ouvriers mobilisés pour construire 150 kilomètres de canaux, une vingtaine d’étangs artificiels, 100 kilomètres de tuyaux de fonte. Ils irriguent le parc de Versailles depuis plus de trois siècles, alimentant les jeux d’eau que l’on donne tous les ans pour les touristes.
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Que reste-t-il aujourd’hui de ce gigantesque réseau ?
Le complexe réseau de rigoles a hélas été largement détruit au XXe siècle, notamment par le développement du réseau routier. La nationale 118 a ainsi coupé une partie du réseau du plateau de Saclay. Mais on parle aujourd’hui de s’appuyer à nouveau sur les rigoles restantes pour drainer l’eau de pluie du plateau afin d’alimenter de nouveau Versailles. Quant aux étangs de Saint-Quentin et aux étangs de Hollande, ils constituent une magnifique réserve pour les oiseaux. Ce superbe ensemble naturel 100% conçu par la main de l’homme est tellement grand qu’au début du XXe siècle le Plan d’aménagement de la Région parisienne (PARP) prévoyait même d’y créer un aéroport pour hydravions transatlantiques.
Au final, le Versailles de Louis XIV est une vision très instrumentale et dominatrice de la nature, mais qui laisse un héritage naturel très important…
Sous Louis XIV, on réfléchit, peut-être pour la première fois, à la manière d’exploiter la nature sans l’épuiser. C’est l’esprit du Code des eaux et des forêts publié par Colbert, ministre du Roi. On met en place un système de gestion raisonnée de la forêt, notamment pour empêcher les déforestations abusives. C’est véritablement l’ancêtre de la législation environnementale française. Il y a un rapport très nouveau à la nature, que l’on cherche à gérer, protéger et exploiter raisonnablement. En 1789, au moment où éclata la révolution, on réfléchissait même à la création d’une réserve naturelle autour de Versailles.
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4 mai 2019 - Versailles