Imaginez une coloc’ façon Friends mais où votre abonnement Netflix serait compris dans le loyer et où les bières seraient livrées dans le frigo. Ce rêve de jeune urbain a un nom : le coliving, synthèse entre la colocation, l’hôtel et le coworking. Né en Californie au début des années 2000, il s’agit d’un logement au sein duquel vous avez votre propre chambre et où sont partagés des espaces et des services dont la gestion est assurée par un prestataire. « Afin de limiter toute friction entre les locataires, nous gérons l’ensemble des services et des charges telles que l’assurance, le wifi, l’électricité, l’entretien, le ménage des parties communes. Et nous sélectionnons les locataires qui vont partager ces espaces afin de s’assurer de leur compatibilité », explique Alexandre Martin, co-fondateur de Colonies, une des startups françaises ayant introduit le coliving en France.
Une émergence qui tient notamment au contexte immobilier particulièrement tendu en Île-de-France. Accrochez-vous à votre P.E.L. En vingt ans, les prix de l’immobilier à Paris ont été multipliés par plus de trois pour les appartements et par 2,4 pour les maisons. Une flambée également constatée en grande couronne avec un doublement des prix. Une tendance qui ne faiblira pas dans les prochains mois, amplifiée par la crise sanitaire. « Il est certain que les prix de l’immobilier ne baisseront pas à Paris. En moyenne, pour un bien, il y a 90 acquéreurs à Paris, contre 10 ailleurs », rappelle Marie Baléo, responsable des études et des publications au sein de la Fabrique de la Cité. Dur, dur de faire son nid dans la capitale.
Le confinement, accélérateur du coliving
Le confinement a également profité au développement du coliving. Et pour cause. « On s’est retrouvés à tout faire dans un espace exigu », poursuit la chercheuse. Dans le Grand Paris, les actifs ont beaucoup plus télétravaillé. Un sondage réalisé par Odoxa pour Adviso Partners, Challenges et Franceinfo à l’automne dernier montre que l’Île-de-France concentre 2 à 3 fois plus de personnes travaillant à distance qu’ailleurs dans l’Hexagone. Le taux de télétravailleurs avoisinait les 50% en région parisienne pendant le confinement. Du jamais-vu. D’où l’importance accrue de trouver un logement plus vaste où la table de la cuisine ne fait pas office de bureau.
Révolution, le coliving? Plutôt un retour aux sources. « C’est un mode de vie très ancien, confirme Claire Flurin, co-fondatrice de Co-Liv, que l’on retrouve dans des tribus africaines et amazoniennes, dans les kibboutz ou même dans les villages de nos grands-parents« . Dans sa forme moderne, le coliving naît en Californie et en Asie, dans des villes riches et très peuplées. « C’est à la fois une formule de transition, pour des personnes entre deux jobs, qui s’expatrient quelques mois ou qui viennent de se séparer. Mais cela tend à devenir un véritable mode de vie. Un mode de vie qui permet de créer des économies d’échelle et du lien social mais aussi de gagner en flexibilité », souligne Claire Flurin. En France, l’acte de naissance du coliving est à chercher aux alentours des années 2015-2016.
Une offre tournée vers les étudiants et les jeunes actifs
Parmi les acteurs historiques du marché, on retrouve notamment Colonies et La Casa. Le premier a posé ses valises à Paris, Bagnolet, Noisy-le-Grand, Rosny-sous-Bois, Créteil, Villejuif ou encore Colombes — autant de villes au cœur du projet du Grand Paris Express. Le deuxième a également fait le choix d’installer ses premières adresses dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Un choix pragmatique, explique Victor Augais, fondateur de La Casa. « Le coût du logement est une problématique très spécifique à Paris. Or, notre client cible a en moyenne 30 ans. C’est un actif qui travaille à Paris et cherche à pouvoir sortir. On choisit donc des logements en proche banlieue, à moins de 10 minutes des transports en commun. »
Mais la crise du coronavirus bouleverse le profil des personnes friandes de ce type de logements. « Initialement, on avait 20% d’étrangers, mais aussi de nombreuses personnes venant d’autres régions françaises pour commencer un travail à Paris. On n’avait pas de Francilien dans les Casas, souligne Victor Augais. Depuis le confinement, ils représentent 50% des personnes qui rejoignent nos logements. Ce sont majoritairement des personnes qui vivaient seules dans des studios. »
La présence d’écoles explique également certaines implantations, comme celle de Colonies à Fontainebleau, où se trouvent l’Ecole des Mines mais aussi l’INSEAD, une école de commerce. Et à La Casa, il n’est pas exclu d’ouvrir un jour une adresse à Versailles, riche de son école d’architecture et d’une antenne du Cnam. D’autant que ces villes de taille moyenne – de mieux en mieux desservies par les transports – ont gagné en « sexytude » après l’expérience du confinement. « Certains opérateurs du marché, comme Sharies, se sont d’ailleurs spécialisés dans le déploiement du concept dans des petites villes », détaille Claire Flurin. Monica, Ross et Chandler à Massy-Palaiseau ? C’est pour bientôt…
Lire aussi : Près de 60% des actifs travaillant à Paris n’y résident pas
Lire aussi : Des solutions pour tenter de résoudre le casse-tête grand-parisien du logement
Lire aussi : « Il faut avoir un apport personnel important pour acheter en région parisienne »
Lire aussi : Trop cher Grand Paris, je t’aime mais je te quitte
23 mars 2021