Culture
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« Il n’existe pas de déserts culturels en Île-de-France »

La Ferme du buisson à Noisiel en Seine-et-Marne / © Th. Guillaume
La Ferme du buisson, scène nationale à Noisiel en Seine-et-Marne / © Th. Guillaume

Alors qu'un forum "Entreprendre dans la Culture dans le Grand Paris" est organisée le 14 octobre à Arcueil par le ministère de la Culture, nous nous sommes entretenus avec Odile Soulard, économiste à l'Institut Paris Région et co-auteure en 2018 d'une étude "Lieux culturels et valorisation du territoire", ainsi qu'avec Laurent Chalard, géographe et spécialiste des banlieues.

Forum « Entreprendre dans la Culture dans le Grand Paris » à Arcueil le 14 octobre. Infos et inscription sur culture.gouv.fr

Comment les artistes se sont-ils emparés de la banlieue ?

Laurent Chalard : A partir des années 80, les jeunes artistes ont commencé à rechercher de nouveaux espaces en raison de la saturation de Paris intra-muros. Ils ont donc regardé au-delà du périphérique, en particulier vers l’Est qui proposait des friches industrielles le plus souvent desservies par les transports en communs. Ce sont eux qui ont ouvert la voie à de nouveaux équipements culturels, sans qu’il s’agisse d’une impulsion donnée au préalable par la puissance publique. Le processus de délocalisation s’est donc fait par et pour les artistes, bien avant que n’émerge le projet institutionnel du Grand Paris.

Quelle place occupe la culture dans la construction du Grand Paris ?

Laurent Chalard : La culture est un élément primordial pour la métropole grand parisienne. La problématique dans cette zone n’est pas la même que celle de la France rurale et périphérique, où l’on se bat pour le maintien des services publics et d’une activité économique. Dans le Grand Paris, le sujet c’est plutôt le défi du vivre-ensemble, or le meilleur moyen pour atténuer les tensions, c’est la culture. Du coup, l’enjeu est de faire émerger des cœurs culturels qui soient le reflet du multiculturalisme des banlieues.

Odile Soulard : Aujourd’hui encore, le tropisme parisien reste fort. Néanmoins, un département comme la Seine-Saint-Denis est un territoire de plus en plus attractif sur le plan culturel. En grande couronne, les lieux de culture sont moins connus et plus difficilement accessibles mais il faut capitaliser sur eux et les rendre attractifs car on ne peut pas faire émerger des clusters culturels de toutes pièces, notamment parce que l’on n’en a plus les moyens financiers. Pour autant, il n’existe pas de déserts culturels en Île-de-France, juste des choses qu’on ne voit pas.

Le bouillonnement culturel hors Paris intra-muros profite-t-il aux populations locales, ou est-il un aimant pour le milieu culturel parisien et les grands consommateurs de culture de la capitale ?

Laurent Chalard : Pour l’instant, on est face à un modèle culturel qui s’étend de Paris vers les périphéries et qui est porté par des gens qui en général ne sont pas originaire de banlieue. Avec notamment pour conséquence que les populations immigrées et le multiculturalisme sont peu mis en valeur. Les cultures du monde restent cantonnées dans le Paris intra-muros, et sont appréciées d’une certaine élite. Il faut faire évoluer cela. 

Odile Soulard : On peut aussi déplorer un décalage entre l’offre culturelle de certains lieux de banlieue « hors-sol » et la demande des populations, parfois plus simples, en tout cas moins codifiées socialement. La culture qui vient d’en haut ne fonctionne pas toujours, il est nécessaire de penser des projets culturels avec les habitants.

Quels sont les vertus de la présence d’un lieu culturel sur un territoire ?

Odile Soulard : La tentation aujourd’hui est de tout faire faire à la culture, alors même qu’elle dispose de peu de moyens. Un aspect fondamental est de commencer par rendre les espaces culturels plus accessibles, d’élargir leur public en leur inventant par exemple de nouvelles fonctionnalités afin qu’ils deviennent des lieux de vie favorisant les rencontres et les échanges sur un territoire.

Laurent Chalard :  Ce n’est pas l’équipement à lui seul qui fait naître un dynamisme culturel sur un territoire ; c’est un ensemble d’activités, accompagnées par des centralités commerciales, des habitations, des dynamiques endogènes dans le quartier, des interventions des populations… Avec le projet du Grand Paris Express, le développement culturel sera planifié autour des futures gares, pôles centraux du projet. Il est important de travailler à étendre cette dynamique depuis ces nouveaux cœurs urbains et culturels.

Le ministère de la Culture et la ville d’Arcueil, en partenariat avec Enlarge Your Paris et La Main 93.0, organisent le 14 octobre chez Anis Gras à Arcueil (94) le Forum « Entreprendre dans la Culture dans le Grand Paris ». Inscription gratuite sur weezevent.com. Plus d’infos sur forumentreprendreculture.culture.gouv.fr

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