Culture
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Nanterre, une planète luxuriante pour la culture

La friche Vive les Groues ! à Nanterre / © Vive les Groues !
La friche Vive les Groues ! à Nanterre / © Vive les Groues !

Ville parmi les plus peuplées d'Île-de-France, Nanterre doit notamment sa notoriété à son université, point de départ du mouvement de Mai 68, et au théâtre des Amandiers, qui fut dirigé de 1982 à 1990 par Patrice Chéreau. Deux supernovas qui cachent une galaxie de lieux culturels que le journaliste Arnaud Idelon est allé explorer.

Ah Nanterre ! Ville singulière et sans rivale, ovni et exception culturelle des Hauts-de-Seine, excroissance du 93 sur les terres du 92 selon les mots de l’écrivain Aurélien Bellanger, auteur du roman Le Grand Paris (Ed. Gallimard) ! Nanterre l’étudiante et son irrévérencieuse faculté d’où partirent les premiers élans de mai 68, Nanterre la prolétaire, Nanterre la bohème, Nanterre et sa scène culturelle hyperactive avec ses squats et ses friches…

Mais comment parler de Nanterre sans évoquer son navire amiral : l’emblématique théâtre des Amandiers ? C’est dans les années 60 qu’il puise ses racines. Au départ simple chapiteau installé au lieu-dit les Amandiers – d’où son nom actuel -, il est devenu depuis centre dramatique national et officie dans un bâtiment moderne et lumineux qui accueille également une librairie regorgeant de pépites ainsi qu’un café-restaurant plus que fréquentable. À la baguette depuis 2014 on trouve le fantasque Philippe Quesne, père du spectacle Welcome to Caveland mettant en scène des taupes à taille humaine.

Les Amandiers qui cachent la forêt

L’abondante programmation des Amandiers, qui alterne répertoire classique et création contemporaine tout, ne doit pas pour autant faire oublier la myriade de propositions qui fourmillent à la surface de Nanterre. A commencer par un réseau touffu d’équipements municipaux à disposition des cinéphiles, mélomanes, amateurs d’art contemporain et curieux en tous genres. Dans le quartier de la cathédrale, un bâtiment tout en courbes attire l’oeil. Depuis 1994, la Maison de la Musique sert un savant cocktail de musique classique, jazz, funk, rap, soul et musiques du monde tout en butinant du côté de la danse contemporaine et du hip-hop. Résolument éclectique, sa programmation s’enrichit de nombreux formats hors les murs avec des concerts dans toute la ville, mais aussi dans les hôpitaux, la maison d’arrêt ou les foyers de jeunes. On n’est jamais déçu, mais toujours surpris, par le mélange de grands noms (Bertrand Belin, Tété, Christophe…) et de talents locaux. Ancien atelier de métallurgie reconverti en théâtre, la Forge accueille pour sa part le public dans un cadre intimiste. Sa salle mouchoir de poche sert d’écrin aux créations de la compagnie Patrick Schmitt, qui n’est pas exclusive et sait s’ouvrir aux propositions d’autres metteurs en scène.

Côté art contemporain, impossible de ne pas citer la Terrasse. Sous sa robe de verre, les expositions se succèdent à un rythme effréné et partagent l’espace avec des workshops, des débats et des rencontres à toute heure de la journée. Si de beaux noms de la création contemporaine frayent avec le lieu, la Terrasse n’oublie pas pour autant d’associer le public au travers de formats participatifs.

A lire : La Ferme du Bonheur fait germer une autre ville au pied des tours de La Défense

La Ferme du Bonheur / © Ferme du Bonheur
La Ferme du Bonheur / © Ferme du Bonheur

Une galaxie de lieux singuliers

Mais si Nanterre est bien doté en espaces culturels “classiques” (et, on l’a vu, pas si classiques que cela), le charme de la ville réside aussi dans sa face B. Et qui dit B dit Bonheur, comme la ferme du même nom, îlot utopique et brèche spatio-temporelle verdoyante accolée au campus de l’université Paris X depuis le début des années 90 grâce au volontarisme et à l’imagination débordante de Roger des Prés, adepte de musique punk autant que de Jean Giono. Lentement mais sûrement, l’espace en friche s’est structuré faisant naître une programmation mêlant aussi bien les arts dramatiques que les bals électro. La Ferme du Bonheur, c’est également le Champ de la Garde, sur le toit de l’autoroute A14,  où s’organise chaque week-end des travaux dominicaux d’agro-poésie et qui sert de lieu d’expérimentation pour la réhabilitation des zones polluées. Un décor particulièrement prisé par Roger pour ses créations de spectacles environnementaux comme son adaptation du texte de Giono L’Homme qui plantait des arbres, qui joue de cette opposition magistrale entre le quartier d’affaires de La Défense et la nature ressuscitée par des fermiers-artistes engagés.

Ces dernières années, Nanterre aura vu également une ancienne usine de dentifrice, le Pavillon du Docteur Pierre, se transformer en temple de la fête sous l’impulsion du collectif Soukmachines avant désormais de se consacrer à la gastronomie et à l’entreprenariat culinaire sous le nom de Château Etic. Toujours au rayon des friches, Nanterre se révèle être l’une des plus grandes communautés de hackers et de makers d’Europe avec Electrolab, un espace d’expérimentations, de partage et de promotion de la culture du Do It Yourself et du logiciel libre. Hacking encore, mais de l’espace public cette fois, l’école de cirque les Noctambules enchante les rues de la ville à la moindre de ses sorties à grand renfort d’échasses, de jonglage et de sauts périlleux. Enfin, impossible de ne pas évoquer le quartier des Groues, au pied des tours de La Défense, qui abrite deux projets engagés. L’Opératorium propose ainsi des ateliers à bas coûts à des artistes du cru tandis que Vive les Groues !, imaginé par les membres de Yes We Camp, co-concepteurs des Grands Voisins à Paris (14e), réinjecte de la verdure, de la culture et du solidaire dans un territoire en pleine mutation. Sur une friche de 9000 m2, l’équipe fait pousser une pépinière et multiplie les ateliers ludiques, les plantations collectives et bien sûr, les fiestas endiablées. Pensée comme une place publique, Vive les Groues propose, outre sa programmation riche en événements, des installations artistiques, une buvette et, signature Yes We Camp, un camping. Vous n’êtes pas prêt de faire le tour de Nanterre.

Le château Etic / © Emilien Cancet
Le Château Etic / © Emilien Cancet

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