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Réouverture des cours d’eau du Grand Paris : un enjeu rafraîchissant

La Bièvre à Arcueil / © Vianney Delourme pour Enlarge your Paris
La Bièvre à Arcueil / © Vianney Delourme pour Enlarge your Paris

Il n'y a pas que la Seine et la Marne dans la Métropole du Grand Paris. Le territoire est parcouru par de nombreuses rivières dont certaines, comme la Bièvre, font l'objet de chantiers de réouverture. Ce nous explique Klaire Houeix, chargée d'étude Ingénierie territoriale au sein de l'Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France.

En partenariat avec la Métropole du Grand Paris

Dans quel état les rivières du Grand Paris se trouvent-elles aujourd’hui et quels sont les grands projets de réouverture ?

Klaire Houeix : Le milieu aquatique dans le Grand Paris représente plus de 4 000 km de cours d’eau permanents. S’y ajoutent 3 500 km de cours d’eau intermittents, c’est-à-dire qui connaissent des périodes à sec durant l’année, généralement entre juillet et septembre (l’étiage). Parmi les projets et les réalisations, on peut ainsi penser à la Bièvre dont certains tronçons ont déjà été rouverts. C’est également le cas sur le Croult et le Petit Rosne. Beaucoup de structures étudient les leviers de réouverture de cours d’eaux.

Mais pourquoi ces cours d’eau ont-ils été enterrés ?

De grosses erreurs ont été faites en termes d’urbanisme en artificialisant les sols. En fait, ce mouvement date de l’avant-guerre puis de l’entre-deux-guerres et s’est poursuivi sous les Trente Glorieuses. Il s’agissait de conquérir des terres agricoles, notamment. On a donc fait passer ces cours d’eau dans des canalisations, exactement comme pour des eaux usées. Mais l’eau ressort toujours car la nature reprend ses droits. Ces réseaux hydro-enterrés subissent des fuites, des pertes… Des zones se retrouvent inondées sans que, au premier regard, on n’en soupçonne les causes.

Pourquoi la réouverture de cours d’eau apparaît-elle nécessaire ?

C’est la conjonction de plusieurs facteurs. Ces réouvertures sont bien entendu mises en avant dans le cadre de l’adaptation au changement climatique. L’eau participe au rafraîchissement urbain. Elle permet aussi de lutter contre l’érosion, de favoriser la biodiversité, qu’elle soit ordinaire ou patrimoniale. Une rivière en ville, c’est également un exutoire aux eaux pluviales et aux rejets domestiques. Rouvrir des cours d’eau permet de rétablir leurs capacités auto-épuratoires. On obtient finalement par la nature ce qu’on obtient aujourd’hui de façon technique. Il ne faut pas oublier non plus que les espaces de nature en ville, dont les milieux aquatiques font partie, améliorent le niveau de santé mentale des habitants. Cela a été documenté scientifiquement.

Mais alors pratiquement, comment rouvre-t-on un cours d’eau ?

 À grand renfort de pelles mécaniques ! En fait, on va débitumer. C’est-à-dire qu’on va enlever la croûte imperméable. On casse les tuyaux dans lesquels le cours d’eau était contenu. On apporte du sol composé de matières organiques et de minéraux afin de rétablir un lit pour qu’il puisse s’écouler. Il faut aussi retravailler sa forme car une rivière se déploie en méandres, elle sinue. Ces méandres sont donc à reconstituer afin de permettre au cours d’eau de recréer son chemin. On donne également de la matière pour l’habitat de la faune et de la flore, notamment avec du sable, des graviers, des galets. C’est ce qu’on appelle la recharge granulométrique. Enfin, on ensemence, on plante des amorces végétales pour coloniser les berges.

Combien de temps cela prend-il ?

Cela prend plusieurs années car il est nécessaire d’établir des diagnostics, d’obtenir des autorisations. La phase de concertation peut durer à elle seule parfois une dizaine d’années. Mais ensuite, cela peut aller très vite. Des linéaires de quelques centaines de mètres peuvent être rouverts en une saison.

Cette réouverture des cours d’eau a-t-elle un impact sur la nature ? Voit-on, par exemple, des espèces revenir ?

Ce qui est sûr, c’est que la recolonisation par les plantes se fait naturellement. Depuis trois ans, il existe aussi un suivi écologique mené par des experts naturalistes. Les résultats sont encourageants. Dans les zones humides du Petit Rosne, vers Gonesse (Val-d’Oise), on assiste par exemple au retour de libellules de proportion équivalente à la moyenne régionale.

Ces réouvertures constituent-elles un vrai enjeu ?

Il me semble important de signaler que toutes ces opérations de réouverture ne peuvent se faire sans aides financières. Énormément de moyens sont déployés par des acteurs publics. Ces aides vont d’ailleurs jusqu’à 80 % de l’assiette éligible des travaux. Si le financement public est si important, c’est le gage d’un intérêt pour le sujet et de la prise de conscience des enjeux qui y sont liés ! Cela signifie également que les attendus sont importants. On pense d’ailleurs à la politique « Eau et milieux aquatiques et humides » du Conseil régional d’Île-de-France qui soutient les études et travaux pour préserver, restaurer et valoriser les milieux aquatiques et humides en s’appuyant sur les « solutions fondées sur la nature » (SFN).

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