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« Le périph’ est considéré à tort comme un mur entre le centre et la périphérie »

Le périphérique Porte de Pantin vu depuis le belvédère de la Philharmonie / © Guilhem Vellut (Creative commons - Flickr)
Le périphérique Porte de Pantin vu depuis le belvédère de la Philharmonie / © Guilhem Vellut (Creative commons – Flickr)

Cela fait près de 50 ans qu'il fait débat et qu'il est vu comme une barrière. Il existe pourtant d'autres façons de regarder le périphérique comme le prouve l'architecte Pierre Alain Trévelo, co-fondateur de l'agence TVK et co-auteur d'une étude sur le sujet.

Entretien publié le 3 février 2019 et republié à l’occasion de la « Conversation sur le périph' » programmée mercredi 7 avril 2021 en direct à 11h30 sur pavillon-arsenal.com avec Emmanuel Grégoire, Premier adjoint à la Maire de Paris chargé de l’urbanisme, Jean-Louis Cohen, professeur à l’Institute of Fine Arts de New York University et André Lortie, professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville

Quelle est l’histoire du périphérique et d’où vient ce rêve de vouloir le détruire ? 

Pierre Alain Trévelo : En 1844, Paris édifie sa dernière enceinte pour se protéger des canons prussiens. C’est elle qui définit la forme actuelle de la capitale. Elle est détruite à partir de 1919 et c’est le long de cette limite historique que se construit le périphérique, de 1958 à 1973. Depuis, il n’a cessé de faire polémique parce qu’il s’agit d’une infrastructure bruyante et polluante mais aussi parce que la psychologie française révolutionnaire cherche à abattre les murs coûte que coûte. Le périph’ est critiqué parce qu’il est considéré à tort comme un mur dressé entre le centre et la périphérie. C’est une vision qui découle de notre histoire politique. Or on ne peut le réduire à cela. Mis à part son potentiel de transformation, il serait de toute façon ridicule de le détruire vu le coût et la pollution que cela engendrerait.

Quels sont les principaux enseignements de l’étude « No Limit » que vous avez menée en 2008 sur le périphérique ?

Avant cette étude, nous avions publié en 2003 “Paris, la ville du périphérique” qui affirmait la nécessité de cet espace intermédiaire qu’est le périphérique entre la capitale et sa banlieue. Le périph’ est l’armature d’un vaste territoire qu’il ne faut pas réduire à sa fonction circulatoire. Paris est une ville particulièrement dense, qu’il s’agisse du centre ou de la première couronne. Il est capital de préserver un grand espace ouvert comme celui-ci, une réserve mentale et spatiale. Nos territoires ont besoin de frontières car c’est ce qui régule les échanges. Si je file la métaphore, c’est un peu comme la peau du corps humain qui est la frontière où tout se passe. Notre étude avait révélé que 11% des espaces verts parisiens bordent le périphérique. On ne s’en rend pas compte mais c’est énorme. La plupart de ces espaces, préservés de l’homme car inaccessibles, offrent une biodiversité et une nature primordiales.

Comment pourrait-on mieux intégrer le périph’ ?

Nous ne sommes plus dans la même ère qu’il y a 45 ans, d’un point de vue culturel et économique. Le périph’ est une infrastructure à réaménager en tenant compte de l’évolution de nos usages. On peut supposer que d’ici à 15 ans nos mobilités auront profondément changé et que le Grand Paris Express sera une clef essentielle à une autre répartition du trafic. Le périph’ saura s’adapter à d’autres modes de transport moins nuisibles, comme cela se fait déjà à l’étranger, tout en veillant à ne pas le densifier. La place de la voirie est aujourd’hui surévaluée et cette place peut permettre d’augmenter l’espace ouvert planté : une grande couronne de nature.

Infos pratiques : « Conversation sur le périph' » mercredi 7 avril en direct à 11h30 sur pavillon-arsenal.com avec Emmanuel Grégoire, Premier adjoint à la Maire de Paris chargé de l’urbanisme, Jean-Louis Cohen, professeur à l’Institute of Fine Arts de New York University et André Lortie, professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville

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