Chaque année à Noël, 3 millions de Français offrent des fleurs. Si c’est deux fois moins que pour la Toussaint, cela reste plus que pour la Saint-Valentin ou la Fête des mères. Seul hic : 85% de ces fleurs sont importées, en grande majorité des Pays-Bas. Raison pour laquelle les initiatives fleurissent en Île-de-France afin de ressusciter la tradition horticole.
Sur l’Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), l’association Halage, qui fait de l’insertion professionnelle par le biais de l’écologie, a lancé un projet baptisé Lil’Ô qui a permis la plantation de parcelles de fleurs sur le site d’une ancienne entreprise du BTP. Une manière de démontrer la pertinence de l’agriculture urbaine pour restaurer la biodiversité des friches industrielles. Dès l’an prochain, Lil’Ô devrait produire une trentaine de variétés de fleurs et employer trente personnes en insertion, l’objectif étant de faire émerger de nouveaux métiers. “Beaucoup d’horticulteurs ne trouvent pas de repreneurs, témoignent les porteurs du projet. Il faut recréer un marché localement et développer les parcours de formation. Aujourd’hui, on nous demande plus de fleurs que nous ne sommes capables d’en fournir. C’est frustrant ! »
Parmi les clients de Lil’Ô, on trouve entre autres l’association Du Pain et des roses, qui anime des ateliers floraux à destination des femmes isolées afin de leur faire découvrir le métier de fleuriste. “Certaines des femmes que l’on accueille ne sont pas en mesure de retravailler immédiatement, notamment parce que leur demande d’asile est en cours d’instruction, mais cela leur permet de se réinsérer dans une communauté, de pratiquer le français et de reprendre confiance en elles”, témoigne la fondatrice Marie Reverchon, qui se fournit exclusivement auprès d’horticulteurs locaux. Egalement fournisseur Du Pain et des roses, l’exploitation Fleurs de cocagne, à Avrainville (Essonne), est spécialisée dans les roses cultivées en bio et en serres froides. Trois cent mille fleurs, cent mille roses et 35 tonnes de légumes y sont produits chaque année. Membre du Réseau Cocagne, qui fédère depuis 1999 plus de 130 projets de réinsertion par le maraîchage bio, l’association emploie une vingtaine de femmes en difficultés.
Ressusciter un patrimoine
Enfin d’ici à février, la friche des Murs à pêches de Montreuil (Sein-Saint-Denis) va elle aussi voir pousser des fleurs. Lauréat de la troisième édition de Parisculteurs, le projet Murs à Fleurs se déploiera sur 7000 m². « C’est tout un patrimoine que nous espérons ressusciter. Après l’interruption de la culture des pêches à Montreuil, la ville a misé sur les fleurs. Mais entre la construction de l’A86, l’urbanisation galopante et l’arrivée du marché de Rungis, les filières locales se sont éteintes et ont fini par abdiquer face au marché hollandais », raconte Sophie Jankowski, la fondatrice du projet. En 2016 déjà, elle avait été lauréate de la première édition de Parisculteurs avec Facteur Graine (18e), une production de légumes et de fleurs en permaculture sur le toit d’un ancien centre de tri postale. Ce sont d’ailleurs les graines parisiennes qu’elle et ses trois associés vont semer sur la parcelle montreuilloise. “Je n’avais plus de plaisir à acheter des fleurs importées ! C’est là-dessus que je veux sensibiliser notre clientèle. En achetant nos bouquets locaux et sans pesticides, ils nous permettront de nous rémunérer dignement et permettront l’équilibre du modèle économique. » Cette ferme florale souhaite en outre associer le plus possible les habitants. Une partie du site servira d’espace d’animation et une arche végétale est prévue afin d’accueillir des mariages. Le pouvoir des fleurs n’a pas fini de vous étonner en Île-de-France.
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17 décembre 2019