Les Jeux olympiques constituent-ils une étape clé pour le retour de la baignade dans le Grand Paris ?
Patricia Pelloux : Ces 33es Olympiades sont effectivement capitales. Elles ont permis d’améliorer la qualité de l’eau de la Seine et de la Marne, ce qui, sans l’échéance des Jeux, n’aurait pas pu être fait dans ces délais. Les Jeux ont aussi rendu possible la mobilisation de nombreux acteurs autour d’un même projet et réunis au sein du Copil Baignades présidé par la maire de Paris, le préfet de Région et le président de la Métropole du Grand Paris. Les travaux ont été portés tant par les services de la Ville de Paris que de l’État, le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP), HAROPA (qui regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris), les Voies navigables de France, la Métropole du Grand Paris, les établissements publics territoriaux, les conseils départementaux du 91, 92, 93 et du 94 ainsi que l’Agence de l’eau.
Amélie Noury : En fait, tout le monde s’est mis en ordre de marche pour atteindre un même objectif, ce qui a permis de gagner de nombreuses années.
À l’issue des Jeux, quel sera exactement l’héritage en termes de baignade ?
Patricia Pelloux : L’héritage des Jeux qui est l’amélioration de la qualité de l’eau ouvre des possibilités de se baigner en plein cœur de Paris, ainsi qu’à l’échelle métropolitaine. Mais les sites des baignades « en héritage » ne seront pas exactement les mêmes que ceux des épreuves olympiques et paralympiques : un lieu de baignade pérenne est différent d’un site événementiel utilisé quelques heures pendant quelques jours. En effet, pour les emplacements de baignade en héritage, quatre paramètres rentrent en ligne de compte : la qualité de l’eau donc mais aussi la disponibilité des plans d’eau, la compatibilité avec la navigation et l’insertion urbaine par rapport à la protection des sites patrimoniaux et naturels.
Amélie Noury : On peut ajouter que cet héritage est également lié à un imaginaire. Il va permettre de renouer avec des usages d’autrefois. En effet, la baignade dans la Seine a été interdite en 1923 par arrêté préfectoral, il y a un peu plus de 100 ans. Néanmoins, jusque dans les années 60, les Parisiens ont contourné l’interdiction. La fin de la baignade dans la capitale a d’abord correspondu au fait de ne pas montrer son corps dénudé en ville, puis à des raisons de sécurité et enfin sanitaires, relatives à la qualité de l’eau.
32 sites potentiels ont été identifiés entre la Seine et la Marne, dont 27 dans la Métropole du Grand Paris. À quelle échéance les Grand-Parisiens peuvent-ils espérer se baigner en eaux vives ?
Patricia Pelloux : Le maître mot, c’est la progressivité. Les collectivités ont identifié des emplacements. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs déjà effectué les études préalables nécessaires et ont même désigné des maîtres d’œuvre. Certains sites vont donc ouvrir dès l’été 2025. C’est le cas à Paris avec les sites de Bercy, de l’île Saint-Louis sur le bras Marie et de l’île aux cygnes dans le bras de Grenelle.
Amélie Noury : Concernant la Marne, les Jeux ont permis d’améliorer la connaissance de la rivière. Là aussi, certaines ouvertures seront possibles dès 2025. En Seine amont, c’est le cas au parc de Choisy. On peut aussi penser à la boucle de Saint-Maur dans la Marne qui n’est pas ouverte à la circulation commerciale, ce qui facilite les choses. D’ailleurs, Saint-Maur et Champigny sont des villes très engagées et actives sur le sujet. Idem à L’Île-Saint-Denis où existe une volonté très forte de ce retour à l’eau. Dans ce dernier cas, si la qualité de l’eau le permet, il pourra y avoir des espaces de baignade, sinon, il peut déjà y avoir des activités nautiques de type kayak ou paddle.
Qu’en est-il des canaux comme ceux de l’Ourcq et de Saint-Denis ? S’y baigner est-il envisageable à l’avenir ?
Amélie Noury : Nous accompagnons la Ville de Paris, le Département de la Seine-Saint-Denis ainsi que Plaine Commune et Est Ensemble pour élaborer un schéma directeur des canaux qui devrait être prêt à l’été 2025. Il permettra d’organiser la cohabitation des usages entre les transports passagers, les transports marchandises et les loisirs pérennes, estivaux, événementiels…
La baignade urbaine est développée dans des villes comme Zurich et Copenhague. Paris est-elle en train de rattraper son retard ?
Patricia Pelloux : Effectivement, que ce soit en Suisse ou dans les pays nordiques, on a l’habitude de se baigner en ville. On cite souvent les mêmes villes, notamment Zurich, Bâle et Copenhague. Cette pratique n’est donc pas généralisée partout. Paris est en train de renouer avec l’histoire de la Seine et de la Marne, et de permettre aux citadins de retrouver leurs fleuves, rivières et canaux.
Amélie Noury : Je ne sais pas si nous sommes en retard. Mais une chose est sûre : nous avançons progressivement, correctement. Et cette progressivité est d’autant plus essentielle qu’on doit parfois faire face à une forme de résistance des gens. La baignade dans le bassin de la Villette et le canal Saint-Martin a été bien accueillie ; au tour de la Seine, désormais. Quant à Copenhague, comme Paris, elle s’inscrivait initialement dans un milieu aquatique pollué. En quinze ans, on est passé de quatre sites de baignade à vingt. Même la façon de voir les choses a changé : il est désormais question de rendre toute la zone du port propice à la baignade avec seulement quelques espaces interdits. Le temps peut donc servir les projets.
Infos pratiques : la note « Sites de baignade en héritage des JOP Paris 2024 : 32 sites proposés par les collectivités » réalisée par Patricia Pelloux et Amélie Noury est à télécharger sur apur.org
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2 août 2024