En quoi la carte des transports du Grand Paris Express est appelée à rejouer l’image que l’on a de Paris ?
Ruedi Baur : C’est souvent la carte des transports qui permet d’aborder le territoire des grandes métropoles. Il n’y a pas plus schématique. Lorsqu’on est à Manhattan, même si on ne va pas jusque dans le Queens, la carte fait apparaître les extensions de trajets potentiels. Ce sont des possibles déhiérarchisés, un ensemble qui constitue la ville. Encore faut-il se représenter ces destinations. A Paris, les stations de métro génèrent un imaginaire. Ce n’est pas encore le cas des gares du Grand Paris Express. L’information voyageurs doit offrir la possibilité à chacun de se construire sa carte mentale du Grand Paris en révélant des territoires qui jusque-là étaient hermétiques. En cela, je trouve l’exemple du Bourget (Seine-Saint-Denis) assez emblématique. On en a une image avec le Salon de l’aéronautique mais qui est très en décalage avec la réalité de ce petit bourg. A l’EnsAD (Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs), nous sommes en train de monter un axe de recherche sur la cartographie de ce Grand Paris, sa représentation. Il faut construire avec ces images cet imaginaire partagé.
Qu’est-ce qu’une carte mentale ?
La carte mentale est ce que l’on arrive à imaginer d’un territoire à partir de ce qu’on en a lu ou vu. Nous avons tous en nous la carte mentale de la botte italienne. S’agissant du Grand Paris, il faut imaginer une carte ouverte qui permette des évolutions dans le futur tout en se basant sur l’histoire de la banlieue qui a longtemps été considérée comme étant de seconde importance alors qu’elle est partagée par des millions de gens. Le challenge de la nouvelle carte de transport du Grand Paris est de montrer que l’on passe un cap en racontant l’histoire d’une ville plus large. La ligne 15, qui relie entre elles les villes autour de Paris, peut devenir un repère très fort. C’est là-dessus que l’on travaille en ce moment. Nous avons fortement milité pour qu’elle soit représentée sous forme de cercle puisqu’elle n’a ni début ni fin. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle dépasse Paris et qu’elle ouvre sur une nouvelle dimension. C’est une sorte d’outil de perception de l’ensemble. Si tout est courbe, on s’y perd. En cela, elle ressemble à la circle line du métro de Londres, au ringbahn de Berlin ou à la ligne Koltsevaïa de Moscou.
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L’information est-elle une façon d’aménager la ville ?
C’est l’une des choses qui m’intéresse énormément, l’influence de l’information sur la perception et la transformation d’un territoire. En tant que designer, je considère que l’une de mes missions consiste à faire sortir de l’ombre ce qui se trouve sous le radar. De plus, les métropoles sont des ensembles complexes. La répartition des compétences est difficile à saisir. En tant que graphistes, nous devrions davantage travailler sur ces sujets afin de favoriser la compréhension de nos systèmes civiques. L’une des perceptions que l’on souhaiterait faire ressortir du Grand Paris c’est le polycentrisme, montrer qu’il y a d’autres centralités que Paris intra-muros pour faire émerger de nouveaux pôles d’attraction. C’est pourquoi nous allons travailler sur la représentation des quartiers desservis par les gares du Grand Paris Express en faisant appel à des illustrateurs. Nous allons choisir un illustrateur différent pour chacune des 68 gares afin de renforcer la carte mentale du Grand Paris à l’aide d’images. Ces 68 gares, on va d’ailleurs pouvoir les voir à l’occasion de la Biennale d’architecture et de paysage qui se tiendra du 4 mai au 13 juillet à Versailles.
Infos pratiques : Le Grand Paris Express sera présenté au sein du pavillon « Horizon 2030 » lors de la Biennale d’architecture et de paysage de Versailles. Ouvert tous les jours du 4 mai au 13 juillet dans l’ancienne poste, centrale 3 avenue de Paris, Versailles (78). Entrée libre. Accès : Gare de Versailles château Rive gauche RER C. Plus d’infos sur societedugrandparis.fr
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29 avril 2019