Doisneau n'est pas le seul à avoir immortalisé la banlieue. Autre immense photographe humaniste, Willy Ronis s'est notamment intéressé à la banlieue est. Une cinquantaine de ses images, des années 50 à 90, sont à voir jusqu'au 31 juillet au musée de Nogent.
Le petit Parisien courant espiègle une baguette de pain sous le bras sur un trottoir de Paname, les amoureux sur la colonne de la Bastille contemplant le paysage avec Notre-Dame et la tour Eiffel au loin : ces deux clichés parmi les plus célèbres de Willy Ronis (1910-2009) sont immédiatement reconnaissables. Vous les retrouverez dans l’exposition consacrée à ce grand photographe humaniste au musée intercommunal de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) jusqu’au 31 juillet. Mais, hormis quelques clichés iconiques et deux autoportraits de Ronis, la cinquantaine d’images – essentiellement des tirages vintage – rassemblées ici ne concernent pas Paris intra-muros. Le parcours dévoile des vues de la banlieue est allant de 1938 aux années 1990.
Une banlieue à la fois destination de loisirs et usine à rêves où des jeunes gens portent en souriant une barque de pêche sur une route et où feu les studios de cinéma de Joinville (Val-de-Marne) accueillent des vedettes et des débutantes aux cheveux crantés rêvant d’Hollywood. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale qui l’avait obligé à se réfugier dans le Sud, Willy Ronis, de retour à Paris, travaille à la commande pour des magazines, des « illustrés » comme on dit alors. Mais il tire aussi des épreuves artistiques que l’on peut admirer et qui ne sont pas recadrées, au contraire des images publiées.
Un passionné de musique
Lui qui aime « les gens qu’on rencontre dans la rue, dans les quartiers populaires » montre les scènes de joie dans les guinguettes. On y trinque sous les arbres, on y danse chez Maxe à Joinville (Val-de-Marne). Dans ce dancing aujourd’hui devenu bowling, un garçon fait même tournoyer deux jeunes filles en même temps. Un cliché parfaitement composé, avec le danseur au centre et les deux partenaires de chaque côté. « Willy Ronis avait une grande passion pour la musique, il appréciait tout particulièrement Bach, raconte François Scaglia, documentaliste et co-commissaire de l’exposition. Cette photographie est comme une fugue de Bach avec trois portées, les trois plans dans l’image, les spectateurs de dos au premier plan, les trois danseurs au centre et le reste des danseurs au fond. C’est lui-même qui a fait cette comparaison musicale. »
Mais Ronis s’intéresse aussi aux paysages des bords de Marne et à l’impression de paix qui s’en dégage. Pour un livre, il photographie les îles de la Marne, la somptuosité des feuillages – « une tapisserie », dit-il – et les gens qui se délassent. Une banlieue d’il y a soixante ans, comme un Éden perdu, qui fait écho à ses derniers clichés des années 1990. Ronis se rend à la Maison des artistes de Nogent, où vit sa femme Marie-Anne Lansiaux, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il la photographie noyée dans la nature, dans les arbres. Un cliché magnifique qui serre le cœur. Un cliché loin des clichés…
Infos pratiques : exposition « Willy Ronis, la banlieue Est sous l’œil du maître » au musée intercommunal de Nogent-sur-Marne, 36, boulevard Gallieni, Nogent-sur-Marne (94). Jusqu’au 31 juillet. Ouvert les mardis, mercredis, jeudis et dimanches de 14 h à 18 h, le samedi de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h. Gratuit. Accès : gare de Nogent-le-Perreux (RER E) puis 15 min à pied. Plus d’infos sur museenogentsurmarne.net
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3 décembre 2024 - Nogent-sur-Marne