Voyageur, cartographe et autodidacte, Jean-Luc Levoux a lancé récemment Cartotrain, qui édite une carte papier permettant de mieux s'approprier l'étendue du réseau ferré en France et de s'orienter dans la jungle des offres. Enlarge your Paris s'est laissé embarquer par son récit.
Comment est née la carte Cartotrain ?
Jean-Luc Levoux : J’ai toujours aimé voyager en train. En 2019, je m’étonnais de ne pas trouver de carte de France récente référençant les lignes. Quatre ans plus tard, lors d’un passage à la Librairie du voyage à Rennes, j’ai été surpris d’apprendre de la part du libraire que la demande était pourtant très forte. Mon idée était née.
Cette carte est aussi un nouveau moyen d’inciter au voyage en train, plutôt que de dire d’arrêter l’avion et la voiture…
La culpabilisation ne mène à rien. Il faut changer l’imaginaire de la société, autour du voyage mais pas uniquement. Pour cela, trouver des solutions concrètes est une manière de travailler à faire émerger un autre idéal. Il me semble nécessaire de réfléchir à la notion de voyage. Pourquoi partir loin serait-il mieux qu’aller découvrir des sites magnifiques à côté de chez soi ? Les gens ne le font pas car ils n’ont pas assez d’informations. C’est un gros chantier mais nous sommes quelques-uns à nous y atteler, non ?
Qu’appréciez-vous dans le voyage en train ?
René Dumont, premier candidat écologiste à la Présidentielle de 1974 disait : « La voiture, ça pue, ça pollue et ça rend con ». La notion de pollution est évidente mais il est vrai aussi que la voiture est une extension de notre espace privé. Les comportements des autres sont donc susceptibles de nous rendre agressifs puisque nous nous sentons un peu chez nous. Enfin, on pense souvent au prix du carburant mais pas à toutes les dépenses annexes : les réparations, l’assurance, l’entretien… C’est un gouffre financier qui se chiffre à plusieurs milliers d’euros par an. Alors que le train permet les rencontres, l’ouverture aux autres, aux paysages. Il m’arrive d’utiliser la voiture en voyage mais par le biais de l’autostop. Je voyage en car également quand le train ne me permet pas certaines destinations.
Pourquoi avoir choisi d’éditer une carte imprimée ?
Le support permet d’avoir une vision globale du territoire. Quand on regarde une carte sur Internet, on se place souvent dans une position de recherche. On peut certes dézoomer mais cela n’a pas l’efficacité de la carte ! En un clin d’œil, on peut découvrir de nouvelles destinations, des villes, des rivières, des forêts… Le secteur ferroviaire étant ouvert à la concurrence en France, il existe sur Internet quelques acteurs qui s’occupent de centraliser les achats de billets. Mais cela ne permet pas d’avoir une vision globale des possibilités de voyages en train dans l’Hexagone. On peut également aller sur OpenStreetMap, le Wikipédia de la cartographie. C’est un outil intéressant car on peut y trouver une foule d’informations que Google Maps ne fournit pas, comme les données sur la nature environnante par exemple. Mais tout cela n’a pas le charme de la carte papier. Déplier une carte, c’est déjà voyager, rêver à des possibilités de voyages insoupçonnés parfois.
Votre carte est-elle aussi un guide ? Car elle répertorie aussi le patrimoine naturel de la France…
Au contraire, je ne veux surtout pas guider le public ! Le fond de carte est en effet consacré au patrimoine naturel, comme les parcs régionaux et nationaux, les forêts d’exception, les reliefs ou les réserves de ciel étoilé. Mais, contrairement aux guides, cette carte met tout sur un pied d’égalité. Il existe suffisamment de surtourisme pour ne pas continuer à conseiller les mêmes endroits. Là, le lecteur de la carte peut imaginer toute sorte de destinations sans se sentir influencé.
Cette carte permet de répertorier les nombreuses lignes de TER qui parcourent la France. Quels sont les avantages du TER par rapport aux trains à grande vitesse ?
On compte au moins 12 fois plus de gares de TER en France que de gares de TGV. Le maillage des lignes de TER est beaucoup plus fin, ce qui permet de découvrir plein d’endroits peu touristiques et pourtant dignes d’attrait. Et l’avantage de la lenteur, c’est avant tout de pouvoir admirer les paysages ! Par ailleurs, les prix ne dépendent pas de la demande mais sont fixes. Ce sont des trains subventionnés. Sans carte de réduction, le voyageur ne paye que 20 % du coût réel de son voyage. Il existe plein d’offres attractives, que je répertorie dans Cartotrain, pour visiter certaines régions à bord des TER. Certains billets ne coûtent parfois qu’un euro, des lignes proposent des billets en illimités, et il existe désormais le passe rail pour les 16-27 ans. De plus, on peut embarquer plus facilement son vélo dans un TER que dans un TGV, même si c’est désormais moins vrai pour certaines lignes très appréciées des cyclotouristes. Depuis Paris, il existe une très grande offre de lignes de TER. On peut par exemple aller au Mans en passant par Chartres, visiter le Perche, et découvrir de jolis villages à moins de deux heures de la capitale. On peut même aller jusqu’à la mer ! Enfin, monter dans un TER est un geste civique car cela encourage les régions à maintenir certaines lignes peu empruntées. Acheter un billet de TER est presque un acte militant !
Infos pratiques : pour se procurer la carte Cartotrain, rendez-vous sur cartotrain.fr
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18 juillet 2024
