Culture
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Tu n’as rien vu à la gare de Bobigny

De 1941 à 1944, Bobigny, Drancy et Le Bourget servirent d'antichambre au camp d'Auschwitz pour 63.000 Juifs. Dimanche 27 mars, une visite commentée est organisée sur les traces de cette tragédie de l'Histoire. Nous nous sommes rendus à la gare de Bobigny pour nous imprégner de la mémoire des lieux.

Cet article a été publié une première fois en janvier 2015.

Tu n’as rien vu à Bobigny. Elles n’existent plus les rampes qui permettaient aux bus de quitter l’actuelle D115 pour déposer les futurs déportés sur les quais de la gare de fret de Bobigny. Ils n’existent plus les trains de marchandises qui d’une traite les emmenaient à Auschwitz-Birkenau. Ils n’existent plus les miradors, les barbelés qui entouraient la gare et la protégeaient des regards des passants. Evidemment, tu n’as rien vu ni entendu de ce qui s’est joué ici, entre février 1942 et août 1944.

Direction l’Est, le dernier voyage

Tu n’as rien vu à Bobigny, qu’un vague terrain, coincé entre une départementale, une cité HLM et des voies ferrées qui s’arrêtent à quelques kilomètres de là, Gare de l’Est, à Paris. Un guide bénévole, dépêché par l’office du tourisme ou par la mairie, t’a montré un petit bâtiment emmuré, avec écrit dessus « Bobigny » en belles lettres de céramique. Et puis des plaques payées par des associations de résistants ou signées du nom d’hommes politiques qui appellent à se souvenir.

Au fond du terrain, un ancien hangar en travaux. Un peu plus loin, tu as marché le long de deux rails qui se dirigeaient vers une grille, et derrière elle, un nœud ferroviaire, et puis avec lui, direction l’Est, le dernier voyage.

Shoah : 63.000 Juifs déportés depuis le 93 

Tu n’as rien vu. Mais tu as compris. Compris qu’ici, dans ce lieu industriel banal, qui fut une casse de ferrailleur après guerre et est depuis peu protégé par un petit macaron « monument historique », il s’est passé quelque chose de fou, d’inimaginable. Tu sais que cet endroit où il n’y a rien à voir, ne va sans doute pas sortir de ta mémoire.

Parce que d’ici et de la gare toute proche du Bourget furent déportés presque tous les Juifs arrêtés en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Précisément 40.000 depuis le Bourget et 23.400 depuis cette petite gare de rien du tout. Tous venaient des camps de transit de Pithiviers (45) et de Beaune-La-Rolande (91), ou de celui plus connu de Drancy (93), à quelques kilomètres de là ; ou encore du camp des Milles, à la porte d’Aix-en-Provence, et celui de Récébédou, près de Toulouse.

De Bobigny, il n’y avait plus qu’une direction, Auschwitz, dans la banlieue de Cracovie, où l’on parvenait après trois ou quatre jours de trajet dans un wagon à bestiaux. Tu n’as rien vu à Bobigny, mais tu vas t’en souvenir longtemps. 

Une visite de la gare, fermée au public, est organisée tous les mois. La prochaine a lieu le 27 mars à 14h30. La réservation est impérative, sur le site de l’Office du Tourisme du 93. La visite est gratuite.