Culture
|

Avec Troposphère au 6b, prenez l’air du temps de la jeune création chinoise

Habituellement, la troposphère désigne la zone de l’atmosphère la plus proche de la Terre. En ce moment, c’est aussi une expo à ne pas rater au 6b réunissant cent artistes chinois arrivés en France après 2000.

Exposition Troposphère au 6b à Saint-Denis / © Mona Prudhomme

 

Ils sont cent. Cent jeunes artistes chinois exposés au 6b, le hot spot artistique de Saint-Denis. Leur point commun ? Être arrivés sur le sol grand-parisien après 2000. Ensemble, ils livrent un aperçu du talent de leur génération dans le cadre de Troposphère. Une expo qui vous saisit dès les premiers pas avec un escalier recouvert de journaux chinois éparpillés, suspendus, entassés sous vos pas et au-dessus de votre tête. Arrivé à l’étage, une centaine d’oeuvres peuplent l’espace.

Troposphère pourrait être qualifiée d’exposition-documentaire. Elle recense de façon non exhaustive, mais aussi non sélective, des oeuvres empruntant différentes techniques. Des portraits d’anonymes peints au vin rouge et à la sauce soja, des gants médicaux en porcelaine armés de pics de torture, une peinture représentant des montagnes qui s’avèrent être des bas en dentelle… Chaque oeuvre joue sur l’ambiguïté du discours, sur cette première impression qui n’est pas toujours la bonne.

Exposition Troposphère au 6b à Saint-Denis / © Mona Prudhomme

Exposition Troposphère au 6b à Saint-Denis / © Mona Prudhomme

 

Des oeuvres qui questionnent l’identité féminine

Au fond de la salle d’exposition un espace orné d’un drôle de mobile et de photos de femmes attire particulièrement l’attention. En observant de plus près, on comprend que le mobile est composé de reproductions de stérilets tricotés en laine colorée. La zone est dédiée aux femmes, ou plus précisément à “leur recherche d’identité féminine, leur solitude visible”, explique le commissaire d’exposition Bao Zhong Cui. Les femmes photographes présentées ici exposent leurs corps, assumant le caractère autobiographique, voir thérapeutique, de leurs oeuvres. Marquées par la politique chinoise de l’enfant unique, établie en 1979 et retirée seulement en 2015, ces artistes essaient de faire entendre leurs voix et de bouger les lignes d’un système encore radical. On se doute qu’il est plus facile de présenter leurs travaux en France que dans leur pays d’origine, qui, peut-être pire que la censure, se plaît à ignorer cette crise identitaire. Sur près de quatre décennies, le sexe faible l’était d’autant plus car nombre de femmes choisissaient l’avortement si elles attendaient une fille. “De par les divers traumatismes qu’elles ont connus, on retrouve chez les artistes chinoises une grande force narrative”, témoigne Bao Zhong Cui.

Exposition Troposphère au 6b à Saint-Denis / © Mona Prudhomme

 

Faire connaître la scène artistique chinoise

Réalisée en seulement trois mois, l’exposition est pilotée par l’association VIA, créée en 2013 dans le but de favoriser des ponts entre la jeune création contemporaine française et chinoise. Depuis octobre dernier, VIA s’est implantée au coeur de Shanghai espérant, entre autres, favoriser les résidences d’artistes français en Chine. Afin de théoriser les influences multiculturelles des oeuvres présentées au 6b, un comité de recherche prestigieux a été constitué pour accompagner l’exposition : l’académicien François Cheng, le philosophe Yves Michaud et deux spécialistes en art chinois, Li Xianting et Daozi. 

Bao Zhong Cui, commissaire de l'exposition Troposphère au 6b / © Mona Prudhomme

“A l’exception de quelques grands noms, le monde de l’art français identifie très peu d’artistes chinois contemporains. C’était aussi le but de ce projet mais je ne pensais pas recevoir autant de candidatures ! Les deux derniers jours de l’appel à projets nous avons reçu quarante dossiers, et sauf en cas de contraintes matérielles trop lourdes, je m’étais juré de tous les exposer, ce que j’ai fait”, raconte Bao Zhong Cui. On ne peut qu’applaudir cette initiative, qui, en plus d’être audacieuse, est malicieusement scénographiée.

 

Exposition « Troposphère » au 6b, 6-10 Quai de Seine, Saint-Denis (93). Jusqu’au 26 février, tous les jours de 14h à 18h. Entrée libre.